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lundi 14 mars 2022

Pour citer ce texte : OTTAVI, D.. (2022). L’école et le milieu éducatif Annuel de la Recherche en Philosophie de l’Education , 2
[https://www.sofphied.org/annuel-de-la-recherche-en-philosophie-de-l-education/arphe-2021/dossier-partie-2-ecole-et-anthropocene/article/l-ecole-et-le-milieu-educatif]

L’école et le milieu éducatif 

 

Dominique Ottavi 
Université Paris Nanterre 
Centre de Recherches en Éducation et Formation 

 

Résumé : Le milieu éducatif n’étant pas réductible au milieu familial et au milieu scolaire, il convient de repenser cette notion ainsi que l’environnement naturel et culturel dans lequel prennent place la famille et l’école. Aujourd’hui, la rupture avec la nature est pour beaucoup de jeunes, consommée. Une réflexion plus large sur l’environnement éducatif, incluant une évaluation de la vie quotidienne, est nécessaire, il faut revenir sur la constitution historique de nos représentations de la nature dans l’éducation, changer de paradigme pour le présent. D’où le recours à l’approche mésologique de la relation de l’humanité à la nature. 

Mots-clés :
Milieu, éducation, mésologie, enfance, nature.
 

 

Abstract : Since the educational environment is not reducible to the family and the school environment, it is appropriate to rethink this notion and then, the natural and cultural environment in which the family and the school are located. Today, the rupture with nature is, for many young people, consummated. We need a broader reflection on the educational environment, including an evaluation of daily life; we must return to the historical constitution of our representations of nature in education, then change the paradigm for the present. 
Hence the recourse to the mesological approach of the relation of humanity to nature. 

Keywords :
Environment, Education, mesology, Childhood, Nature 

 

Introduction 

 

Dans quelle mesure la situation pandémique affecte-t-elle nos théories, représentations, convictions en matière d’éducation ? Nous proposons de remettre au centre de l’attention le « milieu éducatif », et plus largement les différentes influences qui s’exercent sur les enfants, pour résister à une tendance de notre société à trop attendre de l’éducation scolaire. Cette pente est facilitée par le rêve « prométhéen » de l’école, de maîtriser rationnellement le développement, de façonner la société du futur. La pandémie surgie en 2020 a été anticipée par de nombreux scientifiques, mais apparemment elle demeurait une éventualité improbable pour la majorité des responsables politiques.  

 

Pour ceux qui trouvent une consolation dans la lecture, ce fut l’occasion de se ressourcer auprès du Décaméron de Boccace ou de Thucydide dans son récit de la peste d’Athènes, confirmant l’adage biblique qu’il n’y a rien de nouveau sous le soleil. Cette expérience, pour le sujet qui nous occupe, a mis en évidence des faits sous-jacents qui incitent à se pencher sur le « milieu » éducatif.  

 

À ce que l’on entend par « milieu », retenu faute de mieux, il faut accorder un sens extensif. Et la fameuse pandémie, dont les origines remontent à la transformation géopolitique de la globalisation, fait, hélas, partie de ce milieu. À l’autre extrême de notre expérience, elle a agi comme un révélateur des problèmes du quotidien, mis en lumière la difficulté des emplois du temps, ou des transports, et elle a aussi réactivé un questionnement sur les conditions d’éducation des jeunes et sur les finalités de l’école. Au passage, ne bouscule-t-elle pas un « grand récit »1  ? Épanouir la nature dans l’enfant en favorisant son développement et recréer les conditions de son activité spontanée sont des idées forces de la modernité pédagogique, que John Dewey, par exemple, a clairement exposées. La pensée pédagogique des XIXe et XXe siècles a construit un idéal de préservation des enfants dans un lieu où leur expérience et leur développement se déroulent de manière optimale, à l’abri des désordres de l’actualité menaçante, et de la domination brutale du monde adulte. Mais cette actualité nous rattrape : les enfants ne sont pas à l’abri des bouleversements du milieu social et historique, aussi bien que naturel. C’est pourquoi nous avons besoin de la mésologie, la science des milieux, une idée ancienne qui inspire pourtant certains contemporains. 

 

Des tensions perceptibles 

 

Aujourd’hui lorsqu’on évoque le milieu en relation avec l’éducation, la notion sociologique de milieu social s’impose, et même, fait écran. Elle fait principalement référence à la catégorie socio-professionnelle des parents d’enfants, au niveau de revenus à la faveur du retour en grâce de catégories semi-économiques, et semi-morales comme « défavorisés, « populaires », ou encore « fragiles ».  Elle désigne aussi les cibles de l’aide sociale quand il s’agit des familles monoparentales par exemple. La crise a renvoyé les enfants au domicile familial, et elle a aussi mis en lumière, en creux, certains aspects de l’école. Dans le moment du confinement commencé en mars 2020, les enfants sont revenus à la maison, avec leurs parents dans la limite de leurs obligations professionnelles, et certains avec le recours improvisé au travail à distance. On a découvert à quel point cette proximité, pour ne pas dire cette promiscuité, était difficile à vivre, et plus ou moins difficile selon le confort matériel. Ce confort est d’ailleurs apparu comme en partie distingué de la fameuse richesse : le petit coin de jardin en banlieue est devenu soudain plus appréciable. À cette occasion l’une des fonctions de l’école est venue au premier plan, celle d’accueillir les enfants, voire d’être une « garderie » disent les malveillants. Plutôt que céder à ce dénigrement, il vaut mieux remarquer les contradictions mises ainsi en lumière : l’éducation est largement confiée à une ou à des institutions spécialisées, dont l’absence a renvoyé les enfants à une famille préalablement délestée de son rôle éducatif. L’amplification brutale de cette responsabilité a fait revenir les enfants dans un environnement qui n’était plus tout à fait accueillant, avec, de plus, le retour du travail à domicile, un terme ancien, mais qui garde son sens. 

 

La redécouverte de l’intimité familiale ou l’invocation des avantages de l’école, notamment de la fameuse socialisation, ravivent des questions : qu’attend-on au fond de la famille ? Et qu’attend-on de l’école, quelles sont les finalités de la présence des enfants dans cette institution ? L’angoisse du décrochage scolaire, de l’abandon des études par certains étudiants, a posé une autre question : quoi d’autre, en dehors de ces deux pôles pour assurer le développement et l’éducation ? N’y a-t-il rien, ou rien qu’un monde de dangers ? La réitération de l’injonction d’ « être » à l’école, voire d’ «être » à l’université, s’est opérée sans qu’il soit vraiment question des contenus d’enseignement, des modalités de travail, ni même des procédés à mettre en œuvre ou à inventer pour soutenir les élèves dans  leur autonomie forcée. C’est plutôt la socialisation qui fut invoquée pour justifier d’y « être », une autre forme de la même injonction. Paradoxalement, une injonction différente, celle de développer les technologies de l’information et de la communication, incitait depuis longtemps et de manière insistante à l’enseignement en ligne et au recul du « présentiel ». Il n’est pas sûr qu’ « y être » implique à coup sûr un bien-être, et l’on ne peut négliger cette contradiction. 

 

La dérive du quotidien 

 

Le philosophe Christopher Lasch a proposé de décentrer l’attention du milieu social dans ses acceptions habituelles pour se tourner davantage vers le quotidien. Ce qu’il nomme « common life », la vie ordinaire (Lasch, 2018), loin des actions remarquables et des grands événements, des manifestations publiques, des lois de la sociologie, est faite d’interactions et d’activités peu valorisées. C’est pour dénoncer son appauvrissement à la fin du XXe siècle, la standardisation des expériences sociales, qu’il l’a théorisée. Dans une démarche convergente, Roland Gori, en se référant à Walter Benjamin, en appelle à porter plus d’attention à ce « temps fugitif » en assemblant « tous les détails, les petits faits, les lambeaux discrets ou oubliés des dominations sociales, des promesses trahies, qui sont comme une invitation à penser, à extraire des innombrables faits ordinaires de la vie quotidienne, à dévoiler l’architecture de la réalité sociale » (Gori, 2020). 

 

Plus spécifiquement, la vie ordinaire des enfants mérite plus d’attention, notamment le temps passé dans les locaux scolaires et son utilisation, pourrait mieux mobiliser de façon pragmatique l’observation du temps et de l’espace scolaires. Dans les faits, le temps passé par les enfants dans le lieu scolaire, du matin au soir en incluant l’accueil et le périscolaire, excède celui que les adultes passent au travail. Si l’utilité du dispositif est incontestable du point de vue de l’organisation sociale, on peut se demander quels sont ses effets en termes de fatigue et de disponibilité intellectuelle. L’usage de l’espace peut être lui aussi interrogé : le partage des locaux entre différents intervenants banalise l’espace aussi bien sur le plan matériel que symbolique. Le partage d’équipements entre intervenants municipaux et enseignants par exemple, pose souvent un problème de « territoire ». De plus distingue-t-on toujours facilement entre ce qui relève des apprentissages ou ce qui relève de l’occupation des moments d’attente ? Malgré les efforts de beaucoup, la confusion s’installe rapidement entre l’activité pédagogique et celle qui accompagne et distrait les enfants dans les interstices de la classe. L’exacerbation du problème est récente : l’intégration dans le cadre de l’école, depuis 2013, des fameuses activités périscolaires, censées favoriser l’enrichissement culturel, l’utilisation du temps, et le respect des rythmes biologiques, nécessiterait un bilan. En attendant, qu’en est-il aujourd’hui ? À la période des années 1990, où régnaient les débats sur les rythmes scolaires, dans l’espoir d’améliorer les apprentissages par une meilleure adaptation biologique, a succédé une vision beaucoup plus gestionnaire de ces rythmes. La consultation du site Eduscol2 sur ce thème livre des considérations d’emploi du temps, de décompte horaire, la répartition de la journée entre les moments de classe et les activités périscolaires ; des directives sont données sur les temps respectifs, en laissant aux « acteurs » le soin des arbitrages. La cohérence, avant d’être pensée, débattue, est renvoyée aux acteurs de terrain, dans un milieu scolaire devenu fluctuant. 

 

C’est ainsi qu’on peut lire sur le site Eduscol en avril 2021 : 

 

Le PEdT (projet éducatif territorial) est un outil de collaboration locale visant à rassembler l'ensemble des acteurs éducatifs pour proposer à chaque enfant un parcours éducatif cohérent et de qualité avant, pendant et après l'école. Il organise ainsi, dans le respect des compétences de chacun, la complémentarité des temps éducatifs.  

 

Il faudrait reconsidérer l’emploi du terme « périscolaire », car dorénavant il désigne moins des interstices et des marges que d’une absorption, comme un engainage, des moments proprement scolaires et éducatifs. C’est en ce sens qu’il faut reconsidérer le contenu de la notion de « milieu scolaire », pour y adjoindre le « parascolaire » de préférence à « périscolaire ». 

 

Hannah Arendt s’est inquiétée, dans La crise de la culture, d’une évolution qui devait d’un autre point de vue être étudiée par Philippe Ariès : le fait que la généralisation de la scolarisation entraîne, de plus en plus tôt, l’éducation en collectivité, voire en « collectivisation ». Elle considérait que les plus jeunes enfants avaient besoin de l’ombre de la vie privée3 , considérée comme un domaine prépolitique. Ariès quant à lui a souligné la rupture de l’expérience entre l’enfance, cloisonnée tendanciellement dans un monde à part, et la vie adulte. Ces analyses invitent à s’interroger sur la portée de ce « parcours éducatif », et sur l’amplification d’attentes placées dans l’éducation collective, ce que l’on nommait au XVIIIe siècle l’éducation « publique » pour la distinguer de formes plus anciennes comme le préceptorat. 

 

Ce processus semble aller dans le sens du vaste courant de l’éducation nouvelle qui depuis longtemps apporte des propositions pour remédier à la clôture de l’école sur elle-même. En particulier, comme nous le disions de façon liminaire, John Dewey, a alerté contre les ravages du milieu de vie urbain qu’il jugeait incompatible avec le développement de l’enfant. C’est pourquoi il préconisait une implantation des écoles dans des lieux préservés, à distance de la promiscuité urbaine, pour que les enfants puissent jouer et expérimenter dans la nature, se développant de façon harmonieuse physiquement et intellectuellement, et aussi moralement. Ce renouvellement de ce que l’on ne nommait pas encore la forme scolaire (Vincent, 1994 ; Seguy 2018) implique chez Dewey un emploi du temps qui accorde une place importante au jeu spontané, que l’on retrouve dans l’école expérimentale de l’Institut Jean-Jacques Rousseau de Genève, fondé par Édouard Claparède en 1912. L’idée d’un milieu propice à l’expérimentation et à l’activité libre a, en fait, donné lieu à de nombreuses variations, mettant toujours l’accent sur l’hygiène et la santé, les activités de plein air,  une pédagogie basée sur l’activité (Hameline, Jornod & Belkaïd, 1995), jusqu’aux « écoles nouvelles », dont l’École des Roches en Normandie, qui ont fait une grande place au lien avec les éléments naturels, à l’entraînement du corps et à la santé (Duval, 2009). Encore après la Seconde Guerre mondiale, les « classes nouvelles » ont mis en pratique une recommandation du Plan Langevin-Wallon : l’ « étude du milieu » naturel et humain était censée remplacer dans l’enseignement secondaire l’étude des sciences, de l’histoire et de la géographie par des enquêtes réalisées par les élèves (Savoye, 2010). Alfred Weiler est la grande figure de l’étude du milieu qui voulait « transporter l’école dans la vie ». Plus récemment les années 1980 ont été marquées par l’éducation à l’environnement (Giolitto, 1982).  

 

Les pistes ouvertes par l’Éducation nouvelle pour sauver l’expérience et l’activité des enfants dans un milieu défavorable ont été et demeurent précieuses. Mais on peut faire deux types de remarques à leur sujet. 

 

Tout d’abord, on peut douter que les aménagements récents de l’école prolongent véritablement leurs réflexions. Davantage qu’une adaptation de l’école à l’enfant, et davantage que le prolongement de l’instruction par des activités de terrain hors de l’école, on a maintenant une juxtaposition des temps et des intervenants, sans qu’une articulation de l’ « intérieur » et de l’« extérieur » ne prévale. On a plutôt affaire à l’absorption dans une organisation collective d’activités considérées comme ne devant pas être abandonnées au hasard. 

 

Ensuite, les conditions aménagées pour que les enfants se développent et construisent un rapport optimal au monde font que l’école reste, même transformée, le pivot de toute l’éducation. Cependant, l’ensemble de la société et le milieu dans le sens large que nous avons évoqué continuent de former les jeunes. C’est ce que montre l’exemple de Richard Louv, quand il cherche, à juste titre, à rétablir le lien entre les enfants d’aujourd’hui et l’environnement naturel. 

 

L’interruption d’une longue histoire 

 

Richard Louv, dans Last Child in the Wood, s’interroge sur le rapport à la nature des enfants d’aujourd’hui, ou plutôt l’absence de ce rapport. C’est pourquoi son ouvrage porte le sous-titre de « saving our children from nature-deficit disorder », prenant modèle sur le célèbre répertoire des troubles psychologiques DSM (Louv, 2005). 

 

Le livre, publié en 2005, analyse la culture américaine en raison de l’influence prépondérante qu’elle exerce et parce qu’elle constitue un modèle normatif ; il élabore l’hypothèse d’une nouvelle forme de trouble, en s’appuyant sur des enquêtes de terrain en même temps que sur une réflexion sur l’évolution du rapport à la nature dans la culture nord-américaine. C’est pourquoi son analyse va au-delà du constat empirique, partagé par beaucoup d’éducateurs, de lacunes dans des connaissances de base, ou de difficultés devant des problèmes pratiques, attribuées généralement à l’artificialité de la vie urbaine (à laquelle on peut ajouter aujourd’hui la virtualisation numérique), au manque d’exercice ou à la pauvreté de l’environnement social. Louv estime qu’il faut pousser plus loin en réfléchissant au rapport du dedans (indoor) et du dehors (outdoor), à la perte de valeur du grand air aux yeux des jeunes ; il évoque pour faire partager son intuition cet exemple saisissant : dans une banlieue située dans le Kansas, où se trouvent encore des champs et des paysages ruraux à proximité, une mère d’enfant d’école primaire a demandé à ses enfants, qui se plaignaient d’ennui, de tenter de jouer dehors à proximité. Après l’avoir fait et s’être livrés à des expériences d’escalade ou de jeux de poursuite avec le plus grand plaisir, les enfants ont refusé de recommencer le lendemain. Pourquoi ? « Nous l’avons déjà fait une fois », disaient-ils (Louv, 2010, p.12). Certes, un exemple ne peut être généralisé. Mais celui-ci illustre chez un nombre significatif d’entre eux une inflexion qui ne se résume pas à l’impossibilité physique de jouer dehors, ou à la perte d’endurance due à des habitudes sédentaires. Il révèle une absence du désir de le faire, voire une incapacité de le faire, surprenante pour Richard Louv qui affiche son appartenance à une génération de « baby boomers ». Cet effet de génération est important dans la mesure où les personnes nées après la Seconde Guerre mondiale ont pu avoir encore l’expérience de la ruralité, ou bénéficier du témoignage des générations qui les ont précédées. Les suivants (et il faut rappeler que Louv écrit en 2005) sont concernés par une rupture d’expérience et aussi de transmission. 

 

En l’occurrence, des enfants révèlent un problème plus profond dans la culture que Louv décrit comme un déplacement de frontière. La mythique frontière américaine était au départ celle de la conquête, vers l’Ouest du continent. Une autre sorte de frontière aurait succédé à celle-ci, au fur et à mesure que parvenait la civilisation, pour le meilleur comme pour le pire, aux rives des deux océans : une frontière rêvée et intériorisée, entre le progrès et la nature perdue. C’est ce type de frontière qui s’exprime d’une manière poétique par exemple dans Walden or life in the woods de Henry David Thoreau (Thoreau, 1854). Enfin, Louv veut attirer l’attention sur une rupture avec la nature, un processus d’exclusion de la nature de l’expérience comme du désir, observable chez les jeunes générations. Encore faut-il prendre la précaution de définir un peu plus ce qu’on doit entendre par « nature » et « jeunes générations ». Par « nature », Louv entend ce qui conserve une certaine autonomie par rapport aux transformations dues à l’homme. Il peut alors s’agir de désigner la biodiversité, la vie non contrôlée par une visée utilitaire, comme les animaux et les plantes sauvages vivant dans un jardin public, aussi bien que des milieux non aménagés, d’où la notion commode d’extérieur (outdoor) pour désigner l’ensemble. Les êtres naturels ainsi entendus ont comme point commun de surprendre et d’étonner, d’attirer l’attention de l’humain qui s’en est éloigné. Ne plus éprouver cet étonnement et cette attirance révèle alors un oubli de soi, puisque, en dépit des apparences, l’être humain dépend de cette altérité pour survivre. C’est à cette transformation fatale que nous renvoie l’attitude déconcertante de certains jeunes. 

 

Quelles perspectives sont-elles ouvertes par Last Child in the Woods pour remédier à ce désordre ?  

 

À l’échelle de la vie quotidienne, familiale et locale, Louv partage des orientations familières à différentes méthodes actives, dans le but de restaurer la richesse des expériences sensorielles notamment. Par-delà le confort, retrouver la perception du climat par le plein air et l’entretien d’une station météo par exemple, c’est renouer avec les conditions de base de la vie humaine, cultiver la perception et l’observation, éprouver le lien entre connaissance et expérience. Identifier les animaux et les plantes autrement qu’à travers des noms génériques tels que « arbre » ou « oiseau » fait aussi partie des entraînements possibles pour peu que les adultes aient conscience de ces réalités et de leur importance, comme des attitudes consistant, par exemple, à respecter la flore locale et les saisons, plutôt que les stéréotypes de l’exotisme. Ces choix écologiques demandent d’ailleurs l’appui de connaissances dans la mesure inverse de l’appauvrissement de l’expérience : c’est la botanique ou l’étude archéologique qui peuvent éclairer sur ce qu’est la flore locale, quand elle a disparu du cadre de vie et des traditions. C’est pourquoi Louv appelle au retour des sciences naturelles, avec leur discipline d’observation, de discrimination des espèces sur le terrain, alors que la biologie moléculaire l’a reléguée à l’arrière-plan de l’intérêt des politiques et des financements. C’est donc aussi au plus haut niveau de la recherche que se joue la conversion des attitudes, à laquelle il appelle, avec des retombées à prévoir sur les programmes et méthodes scolaires. Qu’en est-il justement de la responsabilité et du pouvoir de l’institution scolaire ? L’amélioration, pour ne pas dire, la refonte, de la formation des enseignants fait bien sûr partie de la palette des changements à opérer, tant du point de vue des connaissances, que de la réflexion sur la place de ces connaissances dans la culture, et bien sûr de la pédagogie proprement dite. En l’occurrence, ce qui est vrai dans les pays anglo-saxons étudiés par Louv l’est tout autant en France : l’histoire de la pédagogie regorge de pistes à explorer et à actualiser : on peut penser à Freinet notamment. Mais l’école peut-elle aller au-delà d’une remédiation, sans une modification plus générale des valeurs et des représentations, des comportements et habitudes ? Comme le disait à propos de la sphère médiatique, Neil Postman, les enseignants font partie de la société, mais même si leur formation allait efficacement à l’encontre des travers de celle-ci, ils ne seraient de toute façon pas seuls maîtres à bord. Rousseau nous en a suffisamment avertis, les enfants ne font que nous renvoyer l’image du monde dans lequel nous vivons. Avant de leur reprocher de ne pas franchir la frontière, il faut admettre que ce sont les adultes qui ont d’abord perdu leurs repères, en sous-estimant les conséquences d’un mode de vie artificialisé.  

 

En dépit de leur pertinence et leur caractère concret, les solutions se dirigent inéluctablement contre des tendances lourdes des sociétés développées. On peut se demander si les adultes, ou quels adultes, hommes, femmes, de bonne volonté, trouveront la disponibilité nécessaire, psychiquement et matériellement, pour que les jeunes renouent dans de bonnes conditions avec l’expérience de la nature. Presque fatalement, ces efforts apparaîtront à contre-courant du mainstream de la civilisation, et en quelque sorte, un « retour à la nature » de plus, dans la lignée de Rousseau. D’une certaine manière, la meilleure pédagogie se heurte à l’obstacle pressenti par Arendt et Ariès : coupés de l’enfance dans le quotidien, nous projetons dans une enfance idéalisée le désir d’un monde meilleur, pendant que les enfants réels s’imprègnent du monde tel qu’il est. 

 

C’est parce qu’il faut s’extraire de ce cercle, que la mésologie et la pédagogie mésologique méritent d’être remises à l’honneur ; elles invitent à retisser les liens de la sensibilité et de la réalité ambiante, en premier lieu dans la culture en général, du point de vue des adultes, aussi bien que du point de vue de l’éducation des jeunes. 

 

Une pédagogie mésologique ? 

 

La mésologie est une chose ancienne, dont on discute toujours l’origine. La « science des milieux », comme le montre Romuald Zaniewski, auteur de La théorie des milieux et la pédagogie mésologique (Zaniewski, 1952) est présente en tant que virtualité dans la philosophie, d’Hippocrate à Hegel en passant par Montesquieu. Ensuite, la biologie, et au premier rang Lamarck, a donné une place fondamentale à la notion de milieu. La psychologie associationniste puis la sociologie, en particulier la sociologie américaine du début du XXe siècle, ont aussi coopéré pour focaliser l’attention sur la complexité de l’influence du milieu. Quant au mot « mésologie » Zaniewski en trouve l’origine dans l’univers du positivisme. Le médecin, démographe et statisticien Louis-Adolphe Bertillon (1821-1883)4 , auteur d’un article « mésologie » dans l’édition de 1865 du Dictionnaire de médecine, de Littré et Robin, en 1865 (Littré, Robin, 1865), la définit ainsi : « La mésologie est la science des rapports qui relient les êtres aux milieux dans lesquels ils sont plongés ». 

 

Ces « êtres », explique-t-il, ne sont pas forcément des vivants : ces rapports peuvent être d’ordre physique, chimique. Lorsqu’il s’agit de vivants, ces rapports sont d’ordre biologique, mais aussi psychologique, tout particulièrement pour l’homme, qui évolue dans un milieu social. 

 

Ce qui nous intéresse particulièrement ici est la notion de « pédagogie mésologique » et le rapport qu’elle implique à l’histoire des théories pédagogiques. Avant de dessiner les contours d’une vaste science transdisciplinaire qui expliciterait les différents facteurs qui influencent le développement de l’enfant, Zaniewski rend hommage à l’éducation nouvelle, la deuxième partie de son livre, « grands problèmes de la pédagogie mésologique », il considère que la mésologie doit compléter la science de la pédagogie, qui inclut l’école.  

 

Il loue les « géniales idées pédagogiques » de la fin du XIXe siècle (Zaniewski, 1952, p.144) d’avoir opéré un renversement, qui consiste à « prendre en compte l’activité interne », la « physiologie pédagogique », et d’avoir mis en lumière les processus de la « vie scolaire ». Cela implique de ne plus se préoccuper seulement des « formes extérieures de l’organisation scolaire », et conduit à la pédagogie mésologique. Sans développer ce point ici, on peut remarquer que Zaniewski préfigure les réflexions actuelles sur la vie scolaire et par exemple, l’ « effet établissement » (Cousin, 1998). 

 

Cependant, c’est plutôt à un processus qu’à une organisation que s’intéresse Zaniewski ; sa « physiologie pédagogique » inclut la sensibilité, l’expérience individuelle aussi bien que collective, en insistant davantage sur la « vie » au moment où elle rencontre l’univers scolaire, que sur la scolarité en tant qu’organisation pour répondre à une finalité politique, utilitaire, ou à une demande sociale. 

 

Il opère donc un tri parmi les pédagogies nouvelles, pour retenir celles qui ont traité expressément de l’influence du milieu, en précisant à chaque fois leur acception du « milieu ». Il considère par exemple que pour Pestalozzi, le grand éducateur suisse émule de Rousseau, l’école tient lieu de milieu familial, et, en effet, ce grand pédagogue a conçu à l’origine sa méthode pour des orphelins qu’il considérait comme privés de leur première éducation. Zaniewski loue aussi Dewey pour avoir pensé l’école comme milieu social. Il fait aussi une place à Maria Montessori, à la « maison des enfants », accueil pour les enfants défavorisés de Rome, à Ovide Decroly, qui, dans une démarche qui rappelle celle de Dewey, veut retrouver à l’école l’équivalent du milieu naturel, dans lequel les apprentissages s’accomplissent à travers la satisfaction des besoins fondamentaux. Enfin, c’est chez un pédagogue peu connu qu’il trouve la synthèse la plus proche de ce qu’il recherche : Georges Rouma (1881-1976), éducateur belge disciple de Decroly, a travaillé à l’École Normale de Sucre en Bolivie. Dans sa pédagogie sociologique (1914) (Ottavi, 2006), il propose une école entièrement en interaction avec le milieu naturel et social des enfants. Dans le but de promouvoir l’éducation scolaire tout en évitant de plaquer sur la population rurale bolivienne Quetchua et Aymara un modèle incompatible avec ses contraintes, son niveau économique et son mode de vie, il veut permettre aux enfants de tirer le meilleur parti de leur culture. Cette culture comprend les traditions dont ils héritent, leur rapport à l’environnement géographique et aux ressources naturelles, sans oublier les ressources matérielles, intellectuelles et morales, les aspirations à encourager plutôt qu’à considérer comme insuffisantes et « primitives ».  Maximiser l’exploitation du milieu naturel tout comme le développement de l’individu sur le plan physique ou psychique étaient pour Rouma des directions tout aussi dépassées et dangereuses l’une que l’autre pour l’éducation, qu’il voulait centrée sur la synergie entre ces réalités, une approche mésologique, pour Zaniewski.  

 

La direction esquissée par Zaniewski n’a pas eu d’avenir ; il s’est finalement tourné vers la diplomatie, car le régime républicain n’a pas duré en Bolivie. Mais la mésologie fait retour aujourd’hui. 

 

La mésologie, un retour 

 

Le géographe Augustin Berque a renouvelé la mésologie, en dehors des problématiques éducatives, alors que ses concepts montrent leur pertinence dans le champ éducatif, comme le montre par exemple la référence à une relation trajective à l’environnement par Henri-Louis Go (Go, 2007). 

 

En ce qui me concerne, dit Berque, c’est pour traduire le terme créé en japonais par Watsuji, fûdogaku 風土, que j’ai fini par dénicher « mésologie » dans le Grand Larousse encyclopédique du XIXe siècle, qui du reste en attribuait faussement la paternité à Bertillon. (Berque, 2018). 

 

La mésologie dans l’emploi qu’en fait Augustin Berque constitue une manière de repenser les relations de l’homme à son environnement dans l’anthropocène, avec une prise de distance vis-à-vis de l’écologie telle qu’elle s’est développée jusqu’en ce début du XXIe siècle, jusqu’à l’écologie politique.  

 

La mésologie retrouvée replace au centre de la réflexion la relation de l’homme à son environnement, qu’il soit naturel ou pas : sans revenir sur l’importance fondamentale de la biologie, la démarche accorde la plus grande importance à la géographie et à l’histoire. Du côté biologie, la référence fondamentale est Uexküll (Uexküll, 1956), qui a montré l’étroite interdépendance d’un organisme et de son écosystème, en même temps que la relativité de cet écosystème, une partie de la nature qui est en relation avec l’organisme qui l’habite. L’exemple de la tique dont il a étudié le mode de vie dans son milieu (Umwelt) est resté célèbre, par son pouvoir de décentration par rapport à une conception cartésienne du face-à-face du sujet humain avec le monde qu’il tente de comprendre et de dominer. La fantasme du « maître et possesseur de la nature » a conduit l’humain à se penser extérieur à la nature, au point de forger le rêve du « cyborg », considère A. Berque, de l’humain artificialisé, dit augmenté, et, pourrait-on ajouter, qui entretient aujourd’hui le rêve d’un exil sur Mars, une fois que la terre sera devenue inhabitable. La mésologie rompt avec cette illusion funeste ; la représentation d’une nature ou d’un environnement face auxquels ou dans lesquels l’humain agirait, comme en surplomb, au profit d’une autre conception de la nature humaine :  l’homme a évolué sur le long terme sur Terre et est entièrement le résultat de cette évolution, ses besoins, son système sensoriel, ses capacités intellectuelles, en viennent aussi. Tout au long de l’histoire, c’est en relation avec un milieu dans lequel il intervient, mais qui a également défini sa place sur la terre, qu’il se définit. Au niveau de l’individu, le milieu est aussi bien la nature au sens de l’extériorité dont parle Richard Louv, l’aspect géographique, climatique, végétal, de son cadre de vie, que l’héritage des siècles qui l’ont modifié, et qui lui ont légué la culture, les langues, l’organisation sociale, éventuellement avec des problèmes aussi. La généralité du principe doit porter l’attention sur la multitude de détails du milieu proche, qui n’est pas en « interaction » avec le sujet, dans la mesure où ce dernier est constitué de l’expérience de ce milieu : l’individu n’est pas « dans » un milieu, il en est constitué. 

 

C’est pour établir ce nouveau paradigme que A. Berque a eu recours à la notion de Fûdo (milieu humain), due au philosophe japonais Watsuji Tetsurô (Tetsurô, 2011). Ce dernier est un disciple de Heidegger, dont il donne une interprétation critique. Bien qu’Heidegger ait considéré l’importance de l’espace, son ontologie donnerait un privilège au temps. L’ontologie de W. Tetsuro met au premier plan l’espace, dans lequel se déploie l’expérience de ces relations entre l’homme et l’environnement, relations qui ne se réduisent pas à un face à face et la confrontation du sujet et de l’objet, mais plutôt un processus dynamique d’élaboration réciproque (Berque 2014 ; il reprend d’ailleurs à Piaget l’idée d’une « genèse réciproque » de deux termes). Citons A. Berque, et son concept de « trajection » pour désigner ce processus: 

 

Dire que le milieu est à la fois naturel et culturel, collectif et individuel, subjectif et objectif, c’est dire qu’il faut essayer de le penser dans sa dimension propre ; laquelle n’est ni celle de l’objet, ni celle du sujet, mais celle des pratiques qui ont engendré le milieu au cours du temps, et qui sans cesse l’aménagent/réaménagent…/…C’est de ce trajet perpétuel, de cet entrecroisement toujours en sève que sont tissées les pratiques à la fois écologiques, techniques, esthétiques, noétiques, politiques, dont procède un milieu donné (Berque, 2014, p.40). 

 

Ce processus de trajection mêle étroitement espace et temps, géographie et histoire, expérience quotidienne et sédimentation de la culture. C’est pourquoi la « trajection » diffère du déterminisme qui fait partie de l’histoire de la notion de milieu, par exemple, le déterminisme du climat. En effet, il n’y a pas de « cause » qui produirait des « effets », mais des choix ouverts qui offrent au processus historique, dans la nature comme dans la culture, des directions non déterminées à l’avance. Cette indétermination ne conduit pas davantage au relativisme, car le milieu constitue un héritage qui n’est pas optionnel. 

 

Qu’apporte finalement ce paradigme à l’éducation ? La mésologie implique un changement intérieur de sensibilité à l’environnement, l’humain ne surplombant pas un paysage extérieur.  

 

Elle invite donc, pour reprendre une idée chère à Dewey, à surmonter des dualismes dans les représentations. Un premier dualisme consiste à reléguer le « milieu » dans l’extériorité en tant sujet d’étude : l’éducation à l’environnement, une des « éducations à » étudiées par Michel Fabre (Fabre, 2014). L’idée « environnement » suggère un cadre, où se déploient les actions humaines, à intégrer dans les programmes à cause des problèmes qu’il pose. Pendant ce temps, les enfants peuvent subir au quotidien la fragmentation de l’espace et du temps en unités  réputées « fonctionnelles », qui aboutissent à une expérience appauvrie. Dans le rapport entre indoor et outdoor pour reprendre les mots de Louv, tout s’y passe implicitement comme si le destinataire de l’enseignement était un cerveau acteur des apprentissages détaché d’un corps, phénomène aujourd’hui aggravé par les sciences cognitives, source d’inspiration pour la politique éducative. Les moments voués à apprendre se fragmentent entre les moments de garde, les activités occupationnelles, les récréations agitées et la nébuleuse des activités périscolaires, la part familiale de l’éducation se trouvant aussi à l’état de fragment, pendant que la pédagogie tente de reconstruire la conscience du monde. 

 

Pour la mésologie, c’est à la fois la culture du quotidien et les aspects les plus complexes du patrimoine de l’humanité qui constituent le milieu humain (fudô). L’idéal qui pourrait en découler serait plutôt une mise en continuité d’un quotidien duquel on a pris soin, à considérer comme éducatif dans tous ses aspects, et les produits de l’histoire et de la culture quels qu’ils soient, dont font partie les connaissances et la didactique qui les accompagne. Nous avons parcouru quelques étapes de ce changement de paradigme. Comme l’avait compris Georges Rouma, l’expérience de son propre milieu, au sens naturel et culturel à la fois, doit être prolongée par la connaissance pour être véritablement accomplie. L’histoire et la géographie, l’enseignement scientifique, dûment adaptés et gradués, de même que des apprentissages techniques, ou artistiques, peuvent lui donner notamment consistance. Richard Louv nous incite à réfléchir davantage sur la gradation des contenus d’enseignement, afin de ne pas fabriquer un sujet clivé entre connaissance et distraction. Et comme le suggère le mésologue Zaniewski, nous disposons dans l’histoire des idées éducatives d’un ensemble de théories sur le milieu, initié par Pestalozzi.  

 

En s’inspirant de ce patrimoine, l’école pourrait mieux appréhender une imprégnation qui a lieu inévitablement sans elle. La priorité d’y fabriquer l’individu, du développement à l’adaptation professionnelle en passant par la socialisation pourrait faire place à la trajection ; l’individu de l’anthropocène a besoin, dans l’approfondissement de son expérience directe, comme l’avait saisi en son temps Freinet, de se relier aux enjeux mondiaux et environnementaux, pour ne pas les subir sous la forme de l’aliénation. Une question demeure cependant en suspens : l’école peut-elle, au niveau des enfants, rester le centre de gravité de toutes les autres influences ? On pourrait au moins souhaiter qu’elle soit relayée par un environnement social plus stimulant qu’il ne l’est pour les jeunes, et pour tous. Dans l’immédiat, il faudrait sortir les connaissances de l’indifférence où les plonge la réduction du développement cognitif et des compétences comportementales. Et partir du principe que l’expérience quotidienne loin d’être indifférente, constitue le terreau de l’attention et du désir. 

 

Bibliographie  

 

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Zaniewski R. (1952). La théorie des milieux et la pédagogie mésologique,  Castermann. 

 

Notes

 

[←1

 La notion, liée à la réflexion sur le postmoderne, a été notamment mise en avant par Jean-François Lyotard. 

[←2

 Eduscol https://eduscol.education.fr/2263/organisation-du-temps-scolaire-dans-le-premier-degre 

[←3

 Le terme anglais utilisé par H.Arendt est « darkness ».

[←4

 A ne pas confondre avec Alphonse Bertillon, son fils, le fondateur de la police scientifique.

Annuel de la recherche en philosophie de l’éducation ISSN 2779-5292