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jeudi 29 février 2024
Pour citer ce texte : PHAM, Q. C., NGUYEN V. T. (2024). Quelle(s) philosophie(s) guident les universités vietnamiennes au xxie siècle et quelles humanités enseigner dans ce nouveau contexte ? Annuel de la Recherche en Philosophie de l’Education , 4 ,[https://www.sofphied.org/annuel-de-la-recherche-en-philosophie-de-l-education/arphe-2023/dossier/article/quelle-s-philosophie-s-guident-les-universites-vietnamiennes-au-xxie-siecle-et]
Quelle(s) philosophie(s) guident les universités vietnamiennes au XXIe siècle et quelles humanités enseigner dans ce nouveau contexte ?
PHAM Quynh Chinh
Université des Sciences sociales et humaines
Courriel : chi.phamkhxhnv@gmail.com
NGUYEN Van Toan
Université de Hanoi
Courriel : toannvf@hanu.edu.vn
Résumé : Cet article explore l'évolution des philosophies de l'éducation au Vietnam, en mettant l'accent sur l'enseignement des sciences humaines et sociales (SHS) dans les universités. Il analyse comment ces philosophies ont été influencées par l'histoire vietnamienne, des périodes précoloniale et coloniale à l'ère moderne, et comment elles se reflètent dans les missions et les objectifs des universités. Il souligne les défis actuels, comme l'adaptation aux exigences de l'économie en rapide développement et l'intégration de méthodes pédagogiques modernes. L'article propose des recommandations pour améliorer l'éducation en tenant compte des impératifs contemporains, soulignant l'importance de développer des compétences transversales et de favoriser l'apprentissage tout au long de la vie.
Mots-clés
Éducation vietnamienne, Philosophies de l'éducation, Sciences humaines et sociales, Défis éducatifs
Abstract : This article analyzes the evolution of educational philosophies in Vietnam, focusing on the teaching of humanities and social sciences (HSS) in universities. It examines how these philosophies have been shaped by Vietnam's history, from pre-colonial and colonial periods to the modern era, and how they are reflected in the universities' missions and objectives. The article highlights current challenges, such as adapting to the demands of a rapidly developing economy and integrating modern teaching methods. It offers recommendations for improving education in light of contemporary imperatives, emphasizing the importance of developing cross-disciplinary skills and promoting lifelong learning.
Keywords
Vietnamese education, educational philosophies, HSS, educational challenges.
Présentation de l’article par le comité éditorial
Cet article est issu d'une contribution apportée par nos collègues vietnamiens au colloque "Quelles humanités pour éduquer et former au XXI e siècle ?", que la Sofphied organisa à Bordeaux en juin 2023 avec le soutien des deux universités bordelaises. I a un caractère fortement informatif sur l'évolution historique de l'éducation au Vietnam et sur les différentes idéologies et "philosophies de l'éducation" qui accompagnent cette évolution. C'est à ce titre que nous avons décidé de le placer dans la rubrique International, où il joue pleinement son rôle en montrant comment est conçue et pratiquée aujourd'hui la philosophie de l'éducation dans des contextes politiques et culturels non occidentaux.
Introduction
L’enseignement supérieur vietnamien, confronté à une mondialisation grandissante et à un développement accéléré, s’efforce d’adapter sa philosophie de l’éducation et son curriculum d’humanités pour répondre aux impératifs contemporains. Cette recherche vise à explorer les philosophies de l’éducation qui orientent les universités vietnamiennes du XXIe siècle (ici définies comme les croyances et principes directeurs qui façonnent l’éducation) et les défis de l’enseignement des sciences humaines et sociales (SHS), c’est-à-dire l’étude des disciplines centrées sur l’homme et la société.
D’une part, nous voulons comprendre comment les philosophies de l’éducation actuelles sont façonnées par la tradition et l’influence étrangère, et comment elles se reflètent dans la vision, la mission et les objectifs des universités. D’autre part, nous souhaitons identifier les difficultés inhérentes à l’enseignement des SHS dans un contexte de modernisation rapide, notamment l’harmonisation des méthodes pédagogiques traditionnelles et modernes.
L’importance de cette recherche réside dans son potentiel à éclairer le chemin pour l’enseignement supérieur vietnamien. En identifiant les philosophies de l’éducation prévalentes et les défis de l’enseignement des SHS, nous pourrons proposer des recommandations pour améliorer l’éducation en fonction des besoins contemporains.
Pour ce faire, nous allons d’abord revoir la littérature existante sur les philosophies de l’éducation et l’enseignement des SHS dans le contexte vietnamien, en identifiant les lacunes qui existent actuellement. Ensuite, nous adopterons une approche de recherche multidisciplinaire qui tire des contributions de la philosophie, de la sociologie, de l’anthropologie, de l’histoire et de la psychologie. Des études de cas spécifiques d’universités vietnamiennes seront utilisées pour illustrer concrètement ces philosophies de l’éducation et les défis de l’enseignement des SHS.
En somme, cette recherche entend apporter une contribution significative à l’évolution des philosophies de l’éducation et des humanités à enseigner dans les universités vietnamiennes au XXIe siècle. Elle s’efforce de fournir des recommandations basées sur la recherche pour aider les universités à mieux répondre aux exigences du monde moderne et aux aspirations des étudiants vietnamiens.
1. Philosophie et philosophie de l’éducation universitaire au Vietnam
Les universités sont des centres de connaissances, contribuant à former la pensée, les attitudes et les compétences de générations successives de jeunes. Au cœur de leur fonctionnement, se trouve la philosophie de l’éducation. Il s’agit d’une théorie qui guide les approches d’enseignement et d’apprentissage, les façonne et contribue à définir les objectifs pédagogiques.
Au Vietnam, chaque institution d’enseignement supérieur possède sa propre philosophie de l’éducation. Elle est déterminée par une multitude de facteurs, dont l’histoire, les influences culturelles, les politiques du Parti communiste vietnamien (PCV), et les défis actuels auxquels le pays est confronté dans sa quête de développement économique et social.
L’importance de la philosophie de l’éducation est indéniable. Elle permet aux institutions d’enseignement de trouver des moyens efficaces de transmettre des connaissances, en particulier dans le domaine des sciences humaines et sociales (SHS). En outre, la philosophie de l’éducation contribue à développer des compétences et à former les attitudes des étudiants, en fonction des objectifs fixés.
Cependant, il est important de noter qu’il est difficile d’adopter une philosophie commune pour toutes les universités. Cette complexité est la raison pour laquelle très peu de pays ont incorporé la philosophie de l’éducation dans leur législation. Lorsque cela se produit, il s’agit généralement de dispositions introductives ou d’orientation, plutôt que de principes clairement définis et exhaustifs. Les commissions nationales d’éducation ou les ministères de l’éducation et de la formation des différents pays ont rarement une section consacrée à l’établissement de leur philosophie de l’éducation.
Même les grandes universités de renom à travers le monde ne font pas exception à cette règle. Elles n’ont généralement pas de section spécifique pour déclarer leur philosophie de l’éducation. Cependant, le contenu de la philosophie est clairement exprimé, de manière concise et succincte, dans la section de présentation générale de l’établissement. Cette section vise à définir la mission, les objectifs, les valeurs fondamentales et la vision de l’institution.
Au Vietnam, la situation n’est pas différente. L’héritage historique du pays, marqué par une multitude d’influences éducatives étrangères, de premières institutions d’enseignement chinoises aux modèles d’éducation européens et américains du XXe siècle, a créé un environnement d’éducation complexe. Ce mélange d’influences a laissé une empreinte durable sur la philosophie de l’éducation vietnamienne, que l’on peut encore observer aujourd’hui.
En outre, la position actuelle du PCV lui permet d’exercer une influence significative sur la philosophie de l’éducation du pays. Le PCV vise à élever le niveau d’éducation du peuple, à former des ressources humaines qualifiées et à cultiver des talents, et cette orientation se reflète clairement dans les philosophies de l’éducation des universités vietnamiennes.
Cependant, alors que le pays s’efforce de répondre aux besoins d’une économie en rapide développement, le système éducatif est confronté à des défis sans précédent. La demande croissante d’une main-d’œuvre qualifiée dans un pays en cours d’industrialisation met en lumière les lacunes du système éducatif vietnamien en matière de ressources, de qualité de l’enseignement et d’orientation vers le marché du travail.
En réponse à ces défis, certaines universités vietnamiennes ont commencé à réexaminer et à réinventer leur philosophie de l’éducation. Elles ont exploré des modèles d’éducation plus flexibles et centrés sur l’apprenant, qui visent à développer une main-d’œuvre polyvalente et capable de s’adapter aux évolutions de la société. Ces philosophies de l’éducation mettent ainsi l’accent sur le développement de compétences transversales, l’apprentissage tout au long de la vie et l’innovation.
Mais la route vers le changement est semée d’obstacles. Les systèmes d’éducation rigides, les ressources limitées et les attitudes conservatrices à l’égard de l’éducation sont autant de freins à l’innovation. Ces obstacles soulignent la nécessité d’une réflexion approfondie sur la manière dont la philosophie de l’éducation peut être adaptée pour répondre aux besoins changeants du Vietnam.
Dans cette perspective, la philosophie de l’éducation au Vietnam est le produit d’une histoire complexe et de défis contemporains. Elle est à la fois une réflexion sur le passé du Vietnam et une réponse à son avenir. En examinant cette évolution en termes de philosophie de l’éducation et d’enseignement des sciences sociales et humaines, nous pouvons mieux comprendre comment les universités vietnamiennes se positionnent pour répondre aux besoins éducatifs du XXIe siècle.
2. Évolution de la formation en sciences humaines et sociales au niveau universitaire et philosophie de l’éducation au Vietnam
L’interrogation autour des modalités d’enseignement et de formation en SHS au Vietnam, et de leur correspondance avec la philosophie de l’éducation prédominante, est une thématique centrale dans le domaine de la recherche éducative et des pratiques pédagogiques. Divers points de vue ont été exprimés par les chercheurs et les administrateurs de l’éducation lors de débats, d’échanges et de séminaires scientifiques. Ces discussions, bien que riches en diversité, peuvent parfois sembler contradictoires et complexes, particulièrement si l’on se limite à une interprétation littérale des terminologies et concepts utilisés.
Cela étant dit, il y a un consensus largement partagé : le Vietnam possède une philosophie de l’éducation caractéristique, bien que celle-ci n’ait pas été explicitement formulée ou intégrée dans la législation. Cette philosophie implicite peut être déduite des réalisations éducatives du pays depuis la création de la République démocratique du Vietnam jusqu’à nos jours.
Notre analyse se concentre sur la manière dont cette philosophie de l’éducation universitaire s’est développée et adaptée au fil du temps, avec une attention particulière portée à l’enseignement des SHS. Ces disciplines sont considérées comme d’une importance fondamentale dans les cultures orientales, dont le Vietnam est un représentant éminent. Nous postulons que cette philosophie de l’éducation est clairement mise en évidence à travers les pratiques d’enseignement des SHS dans les universités vietnamiennes, tout au long de leur histoire et jusqu’à aujourd’hui.
Pour mieux appréhender l’évolution de la formation en SHS et la philosophie de l’éducation au Vietnam, nous avons divisé notre étude en trois périodes distinctes : la période précoloniale, la période coloniale française, et la période de résistance et d’unification du pays avant la réforme de 1986. Chacune de ces périodes a ses caractéristiques propres, a apporté ses propres défis et a influencé de manière unique la philosophie de l’éducation du pays.
En explorant chaque période, nous cherchons à comprendre non seulement les changements dans la formation et l’enseignement en SHS, mais aussi à saisir les tendances, les défis et les opportunités qui ont influencé et continuent d’influencer la philosophie de l’éducation universitaire au Vietnam. En conséquence, cette analyse vise à enrichir notre compréhension du paysage éducatif vietnamien, en mettant en lumière le lien étroit entre l’histoire, l’éducation et la philosophie de l’éducation.
A. La période précoloniale : influence du confucianisme et héritage féodal
La période précoloniale de l’éducation vietnamienne, de l’indépendance accordée par Ngô Quyền jusqu’à l’invasion coloniale française, a été principalement influencée par l’éducation humaniste et la philosophie confucéenne. L’enseignement s’appuyait fortement sur l’étude de textes classiques et l’inculcation de valeurs morales. Les élèves étaient appelés à mémoriser et à reproduire des vers, des poèmes et des récits historiques. L’objectif de cette approche était d’adhérer aux idéaux confucéens, notamment la culture de soi, la gestion de sa famille, la gouvernance de l’État et la pacification du monde. Par ce biais, l’éducation visait à former des individus vertueux et compétents pour aider le roi à gouverner avec vertu et humanité.
Après l’établissement du premier État féodal du Vietnam en 938 suite à la victoire de Ngô Quyền contre la dynastie Han, l’éducation a pris forme principalement dans les écoles privées et les écoles monastiques. Ce n’est qu’avec la dynastie Lý au XIe siècle que l’éducation est devenue une priorité pour la cour féodale. En 1076, la dynastie Lý a construit le Quốc Tử Giám, destiné à éduquer les enfants de la royauté. Cette institution est reconnue comme la première université vietnamienne.
La dynastie Trần, en 1253, a modifié cette institution en Quốc Tử Viện, intégrant des princes, des enfants de familles influentes, et quelques enfants talentueux issus du peuple. Le but était de former une classe dirigeante féodale compétente. Les dynasties Hồ (1400-1407) et Lê (XVe siècle) ont poursuivi cette tradition d’éducation axée sur l’élite, bien que sous le règne du roi Lê Thánh Tông (1460-1497), l’éducation soit devenue plus accessible aux enfants du peuple.
Au cours de cette période, l’enseignement des sciences humaines et sociales visait principalement à former des fonctionnaires pour servir à tous les niveaux de la société. La philosophie confucéenne, qui considérait l’éducation par la vertu comme le moyen le plus efficace de former les individus et de stabiliser la société, a dominé la philosophie de l’éducation.
Cependant, le système éducatif de l’époque n’était pas exempt de défauts. L’accès à l’éducation était limité et les autorités féodales ne considéraient pas l’éducation comme vitale pour le développement de l’État. En outre, le système éducatif précolonial a négligé l’importance des sciences naturelles, de la technologie et des études économiques. De plus, les idéologies confucéennes conservatrices, telles que la valorisation des hommes au détriment des femmes et la dévalorisation du travail manuel, ont également entravé le développement de la société.
Malgré l’accent mis sur l’enseignement des sciences humaines et sociales, l’objectif principal de l’éducation pour les étudiants de l’époque était de passer les examens pour obtenir des postes dans l’administration et d’assurer ainsi la prospérité de sa famille. Nguyễn Khắc Viện, (2007 : 16), un intellectuel et chercheur de renom en culture, estime que : « Étudier les textes classiques pour devenir fonctionnaire était le rêve le plus élevé des jeunes pendant de nombreux siècles [...]. Tous les jeunes étaient obsédés par l’idée de réussir les examens pour devenir fonctionnaires, un rêve qui dépassait de loin la réussite d’entrer dans les universités de technologie ou d’éducation supérieure en France ». Une fois cet objectif atteint, l’éducation était considérée comme terminée. Les aspirations plus nobles, telles que l’étude pour participer à des débats académiques, développer une pensée critique sur les problèmes pratiques, ou étudier pour gérer les affaires du monde ou pour élever la culture, étaient rares.
B. La période coloniale française : une transformation profonde de l’éducation vietnamienne
L’année 1858 a marqué le début de l’invasion du Vietnam par la France. Au cours du siècle suivant, les Français ont évolué d’une situation inconfortable à la création progressive d’un système éducatif assez complet. Ils ont adopté une stratégie d’assimilation forcée, qui visait à fusionner rapidement la culture vietnamienne avec la culture française, caractérisée comme une « mission civilisatrice ». L’éducation traditionnelle vietnamienne basée sur les classiques confucéens a été remplacée par un système éducatif colonial. Les Français avaient l’intention d’éliminer l’influence de la philosophie confucéenne, introduisant ainsi les sciences naturelles et formelles (telles que les mathématiques, la physique, les sciences techniques et de la santé) et développant les sciences sociales (telles que la littérature, l’histoire, la géographie, la langue française). Ils cherchaient à éradiquer l’utilisation du vietnamien écrit en caractères chinois, le remplaçant par le français et l’écriture vietnamienne en caractères romanisés basés sur l’alphabet latin. Le 17 novembre 1874, le système éducatif fut officiellement organisé par l’amiral Krantz, gouverneur de la Cochinchine.
Cependant, la première réforme révéla que la philosophie de l’éducation occidentale et le curriculum étaient « trop occidentaux » et ne correspondaient pas à une culture orientale ancienne. Une deuxième réforme de l’éducation, qui s’étendit de 1917 à 1945, fut caractérisée par l’établissement d’un curriculum franco-indigène (vietnamien). Le 21 décembre 1917, Albert Saraut, gouverneur général de l’Indochine, signa un décret promulguant un Règlement général sur l’éducation (Journal officiel de l’Indochine francaise, N29, 1918) dans toute l’Indochine, un document qui visait à unifier l’éducation indigène et mettait l’accent sur la formation en sciences sociales et naturelles avec une approche plus expérimentale et systématique.
Pendant la période de colonisation française, de nombreuses universités et écoles professionnelles ont été créées par les Français, marquant une transformation significative du système éducatif vietnamien. Cependant, l’objectif principal de l’ouverture de ces institutions coloniales était de servir les desseins de l’asservissement et de l’assimilation, en se concentrant principalement sur la formation de base, plutôt que sur la promotion de l’éducation supérieure. Par conséquent, en 1945, plus de 95% de la population vietnamienne était analphabète et seulement environ 3% de la population était scolarisée, principalement pour servir l’appareil administratif colonial français.
Malgré cela, la réforme éducative a changé la philosophie de l’éducation traditionnelle confucéenne et a influencé de nombreux intellectuels patriotes qui aspiraient à moderniser leur pays. Un effet positif non intentionnel de la domination française a été la création d’une classe d’intellectuels éduqués et patriotes, tels que Phan Châu Trinh, Phan Bội Châu, Nguyễn An Ninh, Phạm Quỳnh, Đặng Huy Trứ, etc. Ils ont été motivés à apprendre de l’Occident pour revitaliser leur nation, sans toutefois rejeter complètement leur héritage culturel, en « utilisant les connaissances occidentales pour comparer avec leurs anciennes connaissances, afin d’évaluer ce qui était bon et ce qui était mauvais, et de trouver une voie à suivre pour l’avenir » (Phan Châu Trinh, 2005a : 267) .
L’introduction de disciplines telles que l’histoire, la philosophie, la littérature, la géographie, etc., a contribué à élargir l’horizon des Vietnamiens. Contrairement à l’attitude confucéenne qui encourageait l’étude pour devenir un fonctionnaire, cette période a vu l’émergence de l’idée d’étudier pour acquérir des connaissances et servir la population. La philosophie selon laquelle « un homme devient fonctionnaire et toute sa famille en bénéficie a été progressivement supplantée par une approche plus centrée sur le peuple » (Phan Châu Trinh 2005b : 356 - 358) .
Selon Nguyễn An Ninh, les caractéristiques du nouveau système éducatif sont « de revenir aux concepts philosophiques de la culture orientale, de savoir combiner harmonieusement la morale des anciens sages avec les connaissances pratiques de l’époque moderne » (Mai Quốc Liên, et al, 2009 : 67). En résumé, la formation en sciences sociales et naturelles, en particulier à l’université, a entraîné de nombreux changements dans la philosophie de l’éducation vietnamienne, se manifestant dans le contenu de l’éducation et les méthodes pédagogiques. Cela a contribué à créer une classe intellectuelle compétente, dotée de connaissances spécialisées, pour servir l’État vietnamien après la révolution.
C. Période de résistance et d’unification du pays avant la réforme (entre la révolution d’août 1945 et la réforme de 1986)
La politique d’ignorance du peuple a prévalu pendant la période coloniale française, depuis le milieu du XIXe siècle. Les écoles instaurées par les colonisateurs français avaient pour principal objectif de servir leurs intérêts. En effet, Hồ Chí Minh soulignait : « Les Français n’ont pas organisé un nouveau système éducatif pour remplacer celui de l’Annam qu’ils ont abandonné. Ils ont seulement construit quelques écoles pour former des individus sans personnalité, sans morale et sans connaissances générales » (Hồ Chí Minh, 2011 : 424).
Face à cette situation, Nguyễn Ái Quốc (ancien nom de Hồ Chí Minh) a revendiqué dès les années 1930 l’instauration d’une « éducation populaire », synonyme d’éducation généralisée, et dénonçait la politique éducative française à l’égard du Vietnam. Selon lui, le système éducatif corrompu et trompeur des colonisateurs était « plus dangereux que l’ignorance, car il ne fait que détruire la personnalité des étudiants, leur inculque une loyauté hypocrite, les pousse à vénérer ceux qui sont plus forts qu’eux, et les incite à aimer une patrie qui n’est pas la leur et qui les opprime » (Hồ Chí Minh, 2011 : 424) .
D’où la conviction de Hồ Chí Minh que l’éducation doit permettre le développement des compétences existantes des étudiants, et ce, de manière complète, à travers quatre dimensions : physique, intellectuelle, esthétique et morale. Il le formule clairement dans une lettre adressée aux étudiants en 1955, énumérant les quatre volets de l’éducation qu’il préconise (Hồ Chí Minh, 2000a : 40).
C’est dans ce contexte que le 25 novembre 1945, le Comité central du PCV a diffusé la directive « Résistance et construction nationale », soulignant l’importance de l’éducation. La nécessité de « réformer l’éducation dans un nouvel esprit, d’éliminer l’apprentissage par cœur » est particulièrement mise en avant. Hồ Chí Minh a ensuite établi le Ministère de l’Éducation nationale et défini les principes fondamentaux du nouveau système éducatif à travers les Décrets n° 146/SL et n° 147/SL: « Article 1 : L’éducation dans la République démocratique du Vietnam est unique et repose sur trois principes fondamentaux : la démocratisation, la nationalisation et la scientifisation, servant les idéaux nationaux et démocratiques » (Thư viện Pháp luật, 2023).
L’approche éducative s’est alors orientée vers l’apprentissage lié à l’action et la théorie liée à la pratique. Le contenu de l’éducation était destiné à cultiver l’esprit national, l’amour de la patrie, la haine de l’ennemi, l’amour du travail, l’esprit collectif, les méthodes de raisonnement, la pensée logique et les habitudes de travail scientifique.
La République socialiste du Vietnam, guidée par le marxisme-léninisme et la pensée de Hồ Chí Minh, a consacré une part importante de son budget à l’éducation, en vue de former l’homme socialiste. Le secteur des sciences sociales et humaines avait pour mission centrale de promouvoir l’éducation des idées du marxisme-léninisme et de la pensée de Hồ Chí Minh. Les méthodes d’enseignement étaient toutefois souvent passives, valorisant peu la pensée critique et les opinions personnelles des étudiants.
La philosophie de l’éducation, basée sur la nationalisation, la scientifisation et la démocratisation, visait à promouvoir l’éducation populaire, à former la main-d’œuvre qualifiée, à cultiver les talents, à garantir le droit à l’éducation pour tous les citoyens, à fonctionner selon des principes définis et à servir des idéaux nationaux et démocratiques. Ce cadre a permis un développement remarquable du domaine des sciences sociales et humaines, et continue de représenter les philosophies de l’éducation du Vietnam depuis son indépendance. Cependant, la formation en sciences sociales et humaines à cette époque présentait encore de nombreuses lacunes, principalement avec des méthodes d’enseignement passives et transmissives, les enseignants expliquent les leçons et les élèves les copient, de sorte que la pensée critique et les opinions personnelles n’étaient pas valorisées. L’individualisme dans les sciences sociales et humaines était encore "comprimé" dans la mentalité communautaire des villages de la société orientale.
3. Philosophie de l’éducation et situation actuelle de la formation en sciences sociales et humaines au Vietnam depuis la réforme de 1986 à nos jours.
Depuis l’initiative de réforme globale de 1986, le Vietnam a connu une transition vers l’économie de marché et a ouvert ses portes au monde extérieur. Cette transition a permis et favorisé le développement de l’économie privée, y compris dans le secteur de l’éducation. De fait, l’État a encouragé les investissements privés dans l’éducation, plus particulièrement dans l’enseignement supérieur. Il en a résulté une multiplication des établissements d’enseignement privé.
Les citoyens vietnamiens ont été autorisés non seulement à investir dans l’éducation privée au niveau national, mais aussi à acquérir des services éducatifs d’institutions étrangères. Ces derniers ne se limitaient pas aux pays ayant des systèmes politiques similaires, basés sur le marxisme-léninisme, mais s’étendaient également aux nations avec des systèmes politiques différents. Les diplômes obtenus dans ces pays sont reconnus au Vietnam, sans obligation d’avoir étudié les théories marxistes-léninistes. Par conséquent, l’éducation dans le domaine des sciences sociales et humaines a connu une expansion et un développement notables, sans être entravée par des contraintes idéologiques ou politiques.
La politique encourageant les investissements privés dans l’éducation reflète en réalité une transformation majeure du système éducatif vietnamien depuis 1986. La philosophie qui sous-tend cette politique reconnaît les services éducatifs comme des biens. En conséquence, les citoyens ont le droit de faire librement des affaires dans ce secteur, et ils peuvent librement choisir les services éducatifs répondant à leurs besoins, y compris ceux offerts par des pays qui ne sont pas fondés sur la pensée marxiste-léniniste.
Il est cependant important de noter que toute activité est ancrée dans un contexte politique, économique et culturel spécifique. Le Vietnam se distingue du reste du monde à plusieurs égards, rendant la définition d’une philosophie de l’éducation commune difficile, même si certaines valeurs sont universellement reconnues. La philosophie de l’éducation du Vietnam doit être conçue par et pour les Vietnamiens, en tenant compte des éléments identitaires nationaux.
En remplacement de la philosophie confucéenne de l’époque féodale, de la « mission civilisatrice » pendant la colonisation française et de « l’éducation socialiste », la philosophie actuelle vise à libérer et à cultiver les talents afin d’améliorer le niveau d’éducation de la population. Cette philosophie, qui s’est affirmée à travers cinq révisions de la Constitution de l’État socialiste du Vietnam, est mise en œuvre dans les sessions du Congrès du PCV et concrétisée dans les lois sur l’éducation, y compris la loi de 1998, de 2005, sur l’enseignement supérieur de 2012 et sur l’éducation professionnelle de 2014.
En 2012, la loi sur l’enseignement supérieur a été promulguée et elle a été révisée en 2019. Elle réaffirme l’objectif de « former des ressources humaines, d’élever le niveau d’éducation et de cultiver les talents » (Luật giáo dục Đại học, 2019). Elle insiste également sur la formation d’étudiants dotés de « qualités politiques et morales, de compétences professionnelles, de capacités de recherche et de développement d’applications scientifiques et technologiques. L’objectif est également de favoriser la santé, la créativité, la responsabilité professionnelle, l’adaptabilité à l’environnement de travail et le dévouement au service du peuple » (Luật giáo dục Đại học, 2019).
En somme, depuis plus de soixante-dix ans, l’éducation au Vietnam fonctionne sur la base d’une philosophie de l’éducation déterminée, reflétée dans les points de vue et les orientations du Parti, les lois de l’État et la pensée de Hô Chi Minh sur l’éducation. Bien qu’elle n’ait pas été codifiée dans un document officiel ayant une valeur juridique, cette philosophie est incarnée par les universités à travers leur vision, leur mission, leurs objectifs et leur philosophie propre. Elle a une influence majeure sur les objectifs, les méthodes et le contenu de l’enseignement actuel des sciences sociales et humaines.
A. Philosophie de l’enseignement supérieur au Vietnam
Au Vietnam, lorsqu’elles articulent leur philosophie de l’éducation, les universités se concentrent généralement sur l’importance de leur institution en termes de qualité d’enseignement, de recherche scientifique axée sur le développement futur, d’intégration internationale, de diversité des programmes, d’opportunités professionnelles pour les étudiants et de maximisation des capacités individuelles des apprenants afin de souligner leur valeur personnelle et contribuer au développement de la communauté dans son ensemble.
Par exemple, l’Université Nationale de Hanoï (VNU)1 , bien qu’elle n’ait pas de section explicitement dédiée à la philosophie de l’éducation, l’exprime à travers sa mission, sa vision et ses valeurs fondamentales. Elle déclare :
« Mission : Former des ressources humaines de haute qualité, cultiver des talents, mener des recherches scientifiques, développer et transférer des connaissances multidisciplinaires et intersectorielles. Contribuer à la construction, au développement et à la protection du pays. Être le pilier et le leader du système d’enseignement supérieur vietnamien.
Vision : D’ici 2030, devenir une université de recherche multidisciplinaire et intersectorielle, fortement intégrée, avec des universités et des instituts de recherche membres parmi les plus avancés d’Asie dans les domaines des sciences fondamentales, des technologies avancées et des sciences économiques et sociales.
Valeurs fondamentales : Qualité élevée, créativité, avant-gardisme, intégration, responsabilité, développement durable.
Leur slogan d’action est « Atteindre l’excellence grâce au savoir » (Excellence through Knowledge).
Dans le même esprit, l’Université Polytechnique de Hanoï2 , bien qu’elle n’ait pas de section dédiée à la philosophie de l’éducation, énonce clairement sa philosophie de l’éducation à travers sa mission et sa vision : « Développer l’humain, former des ressources humaines de haute qualité, mener des recherches scientifiques, créer des technologies et transférer des connaissances, servir la société et le pays ». Sa vision est de « Devenir une université de recherche de premier plan dans la région avec un noyau en ingénierie et technologie, ayant un impact significatif sur le développement de l’économie du savoir et contribuant à préserver la sécurité et la paix du pays ». Ses valeurs fondamentales sont la qualité, l’efficacité, l’engagement, le dévouement, l’intégrité, le respect, le talent individuel, l’intelligence collective, l’héritage et la créativité.
De manière similaire, l’Université d’Économie Nationale3 , en définissant la valeur de sa marque dans les domaines de l’économie et de la gestion, exprime sa philosophie de l’éducation à travers sa mission : « Fournir à la société des produits de formation, de recherche, de conseil, d’application et de transfert de technologie de haute qualité et de renommée, atteignant des niveaux régionaux et internationaux, contribuant significativement à l’industrialisation et à la modernisation du pays dans le contexte de l’intégration économique mondiale ».
Récemment, certaines universités ont pris l’initiative de développer leur propre philosophie de l’éducation afin de guider leurs activités d’enseignement et de recherche pour construire leur marque unique. L’Université d’Économie de l’Université de Da Nang4 , par exemple, a inclus une déclaration explicite de sa philosophie de l’éducation dans sa stratégie de développement institutionnel : « Nous croyons que l’enseignement supérieur joue un rôle crucial dans la construction de la société future. Nous adhérons à une philosophie de l’éducation émancipatrice, humaniste, scientifique et dédiée à l’apprentissage tout au long de la vie, en vue de construire une société prospère et progressiste. Nos trois piliers éducatifs sont l’émancipation, l’autonomie et l’utilité » .
L’Université Ton Duc Thang5 , l’une des universités vietnamiennes leader en matière de publications scientifiques internationales, présente sa philosophie de l’éducation de manière non-exhaustive : « Pour l’éveil de l’humanité ». Sa mission est « l’éducation, la recherche et l’innovation pour un développement humain durable ». Sa vision est « pour le développement de l’individu et un monde paisible et heureux ». Sa politique de qualité repose sur quatre critères : le corps professoral, la qualité de l’enseignement, l’infrastructure et la coopération internationale. Sa culture repose sur la « qualité et la fiabilité », ses principes de comportement sur l’équité, l’efficacité et le service .
Dans sa section « Présentation de l’établissement », qui diffère légèrement de celle de nombreuses autres universités où la philosophie de l’éducation est généralement mise en avant, l’Université de Vinh6 articule sa philosophie de l’éducation après avoir défini sa mission, sa vision et ses valeurs fondamentales. Le cœur de sa philosophie de l’éducation est la collaboration et la créativité, visant à transformer les apprenants en travailleurs créatifs capables de s’adapter rapidement au contexte actuel.
L’Université des Sciences Sociales et Humaines de Hô Chi Minh-Ville7 définit sa mission comme suit : « Former des ressources humaines de haute qualité, réaliser des travaux de recherche scientifique exemplaires dans le domaine des sciences sociales et humaines, contribuer concrètement à la stratégie et à la politique de développement économique et social du pays et des régions, en mettant l’accent sur la région méridionale ». Ses valeurs fondamentales sont la créativité, le leadership et la responsabilité, et sa philosophie de l’éducation repose sur « l’éducation globale - l’émancipation et la diversité culturelle ».
On peut donc affirmer que, qu’elles l’aient formulé explicitement ou non, la plupart des universités vietnamiennes ont actuellement développé leur propre philosophie de l’éducation. Le dénominateur commun de ces philosophies est l’accent mis sur la qualité de l’enseignement et de la recherche. Cependant, il est à noter que la philosophie de l’éducation n’est pas simplement l’énumération des critères de qualité, mais l’expression de la vision, de la mission et des valeurs de chaque université, qui nécessite une réflexion approfondie et une bonne compréhension de l’environnement dans lequel l’établissement fonctionne.
De plus, la philosophie de l’éducation est très étroitement liée aux activités éducatives. Si l’on peut voir la philosophie de l’éducation dans la mission et la vision de chaque établissement, on peut aussi la voir dans les programmes de formation et dans l’interaction entre les enseignants et les étudiants. Dans cet esprit, il est nécessaire pour chaque université de concevoir et de construire activement sa propre philosophie de l’éducation, adaptée aux conditions spécifiques de chaque établissement, à partir de la réalité du pays, de la région et du monde.
B. État de l’éducation en sciences sociales et humaines au sein des universités : une perspective actuelle
Avec le développement de l’économie de marché, l’ouverture et l’intégration du Vietnam à l’échelle mondiale, ainsi que l’évolution de sa philosophie de l’éducation, les universités vietnamiennes font l’expérience de transformations majeures. L’accent étant désormais mis sur le développement holistique, la pensée critique, et l’application de la connaissance en pratique, les disciplines en sciences sociales et humaines se libèrent progressivement des idéologies traditionnelles. Cette transformation a conduit à la formation d’une génération de jeunes dynamiques, proactifs et ayant des pensées créatives.
Le gouvernement, adoptant cette nouvelle philosophie de l’éducation, a encouragé une révision des programmes de formation en sciences sociales et humaines, afin de les rendre plus pratiques et conformes aux réalités du monde contemporain. Certaines universités ont même mis en œuvre des programmes conjoints avec des institutions étrangères, permettant ainsi aux étudiants d’obtenir un diplôme international. Ce qui, de fait, expose ces derniers à un environnement d’apprentissage international dès leurs années universitaires. L’éducation supérieure est ainsi en train de devenir de plus en plus pragmatique, grâce à une intégration internationale et à l’adaptation aux réalités du marché du travail.
Néanmoins, il convient de souligner que l’enseignement des disciplines en sciences sociales et humaines, bien que bénéficiant de cette rénovation, reste confronté à des défis majeurs. En dépit de l’amélioration de l’approche proactive de l’apprentissage, notamment grâce à l’accès à des technologies numériques, la prise de conscience de la nécessité d’approfondir des problèmes d’études par la consultation des manuels et documents de référence, et l’encouragement des débats entre étudiants, un fossé subsiste entre les théories enseignées et leur application pratique.
D’autre part, certaines universités, encore en phase de développement, font face à diverses insuffisances : une formation de qualité discutable en sciences sociales et humaines, une gestion inadéquate de l’enseignement, une évaluation de la qualité non conforme aux normes nationales et internationales, et des problèmes d’autonomie, notamment financière. De plus, la capacité de recherche et de publication des travaux de recherche dans les revues internationales, critère important pour le classement des universités, demeure très faible dans le domaine des sciences sociales et humaines.
Concernant les programmes de formation, bien qu’ils contribuent largement à la formation d’un citoyen nouveau et patriote, ils restent largement théoriques et détachés des réalités économiques et sociales. Lorsqu’il s’agit de réformer ces programmes, l’accent est souvent mis sur l’acquisition de compétences et de connaissances spécialisées, négligeant ainsi l’éducation morale et juridique. De plus, en comparaison d’autres disciplines, les méthodes d’enseignement en sciences sociales et humaines restent peu innovantes, avec des manuels souvent obsolètes et orientés vers la propagande et l’éducation idéologique. Il est donc nécessaire de réformer le contenu des disciplines des sciences sociales et humaines pour mieux correspondre à la réalité du développement à l’époque de l’intégration internationale.
De plus, les domaines des sciences sociales et humaines peinent à attirer les talents, notamment parmi la jeune génération qui privilégie les études dites « rentables ». Par conséquent, le phénomène de la « fuite des cerveaux » est courant et de nombreux diplômés manquent de connaissances en sciences sociales et humaines et de pensée critique, créative et indépendante, par conséquent, ils ne peuvent répondre aux exigences du marché de l’emploi.
Dans cette optique, l’écrivain Nguyên Ngọc (2008) soulève une question pertinente : « Avec ce système éducatif, quels types d’individus voulons-nous former ? Formons-nous des individus libres, capables de réfléchir et ayant une pensée indépendante, et donc créatifs, pour une société libre et créative, ou formons-nous des individus qui savent obéir, écouter, se soumettre et être extrêmement dociles, pour une société dans laquelle tout est strictement centralisé ? »
Alors que la société vietnamienne a contribué à la formulation d’une philosophie de l’éducation adaptée à l’enseignement supérieur, la réalité de la formation en sciences sociales et humaines montre encore de nombreux déficits. Alors, quelle solution serait efficace pour l’éducation et la formation en sciences sociales et humaines au Vietnam d’aujourd’hui ?
C. Vers la mise en œuvre de pistes de réflexion et d’action innovantes
Afin de contribuer à l’amélioration de la qualité de la formation en sciences sociales et humaines au Vietnam, différentes démarches doivent être considérées.
En premier lieu, il est primordial de standardiser le contenu et les programmes de formation, tout en innovant les méthodes pédagogiques propres aux sciences sociales et humaines. De fait, le lien entre l’enseignement et le contenu est inextricable, et si ce dernier n’offre pas une dimension scientifique et contemporaine, l’application d’innovations pédagogiques devient complexe. Par conséquent, le renouvellement du contenu et des programmes doit se réaliser dans la perspective de l’actualisation, et de la modernisation tout en garantissant un espace propice à la créativité. Il s’agit de créer un système flexible qui incite les enseignants et les étudiants à développer leur capacité intellectuelle et leurs compétences, pour découvrir, comprendre et maîtriser les connaissances, en lien avec les objectifs et les exigences de la formation.
Par ailleurs, l’adaptation du contenu et des programmes aux spécificités de chaque groupe d’étudiants est une nécessité. En effet, ces derniers sont les piliers du processus de formation, étroitement liés à chaque niveau d’éducation, degré d’études et groupe d’étudiants spécifique, influençant directement la qualité de l’éducation et de la formation. Ainsi, le contenu et les programmes choisis doivent correspondre aux domaines et filières de formation. Le volume de connaissances transmises doit être constamment actualisé, adapté aux besoins pratiques de la société, tout en évitant une surcharge d’informations pour les étudiants. L’innovation doit privilégier l’apprentissage actif des étudiants et créer un environnement propice à une mise en pratique efficace du contenu des matières enseignées.
Ensuite, il est impératif de reconnaître et valoriser le rôle et la responsabilité des organisations et des acteurs sociaux dans l’amélioration de l’enseignement des sciences sociales et humaines. Cette démarche s’avère cruciale, en particulier pour les cadres dirigeants, les agences compétentes, les enseignants et les unités de gestion des étudiants. La mobilisation de ces acteurs permettra de créer une dynamique collaborative pour améliorer la qualité de l’enseignement des sciences sociales et humaines dans les universités.
Pour ce qui est des étudiants, il est nécessaire de stimuler leur autonomie et leur proactivité dans l’apprentissage. Ils doivent s’engager activement pour améliorer constamment leurs connaissances dans tous les domaines. Comme ils sont des acteurs clés dans le processus d’assimilation et de perfectionnement personnel, la promotion de la proactivité, de l’autonomie et de l’autodiscipline est une solution déterminante pour améliorer la qualité de l’apprentissage et de la formation.
Enfin, l’enseignement des matières en sciences sociales et humaines dans les universités doit répondre aux exigences du développement global des compétences et de la qualité des étudiants. Les enseignants doivent posséder des qualités et des compétences professionnelles en accord avec les exigences pédagogiques, en accentuant l’amélioration du niveau d’éducation, des capacités de réflexion, des compétences pédagogiques et de l’expérience pratique. Il est nécessaire de renforcer l’utilisation des méthodes d’enseignement modernes et l’alignement avec la réalité pour stimuler et développer la proactivité, l’initiative, la créativité, la capacité d’auto-apprentissage, d’autodiscipline et de participation pratique des étudiants.
Conclusion
L’objectif de la formation moderne en sciences sociales et humaines est de former des individus au développement global, capables de s’adapter aux changements rapides de la science et de la technologie, et compétitifs dans le processus de division internationale du travail. Accorder de l’attention et avoir la bonne orientation et les bonnes mesures pour développer l’éducation nationale est une condition pour valoriser et préserver les valeurs culturelles de la nation, et enrichir les trésors culturels de l’humanité. Dans les ajustements profonds et globaux de l’éducation vietnamienne actuelle, en héritant des valeurs et de la philosophie de l’éducation de la nation combinées à la mise en valeur des objectifs de l’éducation mondiale moderne définis par l’UNESCO, on assure l’objectif d’une éducation moderne, mettant en œuvre l’orientation pour construire et développer la culture et les personnes vietnamiennes « développement global, axé sur le vrai - le bien - le beau, imprégné de l’esprit national, humaniste, démocratique et scientifique, etc.; former un citoyen vietnamien au développement global. Synthétiser et construire des valeurs culturelles et des normes de valeurs pour les Vietnamiens à l’ère de l’industrialisation, de la modernisation et de l’intégration internationale » (Đảng cộng sản Việt Nam, 2016 : 29).
Références
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Notes
Annuel de la recherche en philosophie de l’éducation ISSN 2779-5292