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samedi 1er mars 2025
Pour citer ce texte : AUDRAN, P. (2025). Quels philosophes de l’éducation les autrices et auteurs de littérature fantasy sont-ils ? – Émancipation et herméneutique dans les crépusculaires de Mathieu Gaborit Annuel de la Recherche en Philosophie de l’Education , 5 ,
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Quels philosophes de l’éducation les autrices et auteurs de littérature fantasy sont-ils ? –
Émancipation et herméneutique dans Les Crépusculaires de Mathieu Gaborit
Pierre Audran
Doctorant
Université d’Artois et Université de Lille
Résumé : Mathieu Gaborit est un romancier français contemporain que l’on peut situer, pour ce qui est de sa fantasy, à la croisée de deux orientations concurrentes et antagonistes du genre, celle de Tolkien, nourrie par l’idée d’espérance, et celle, plus désespérée, de Moorcock. Peut-on lire ce romancier de l’imaginaire en philosophe de l’éducation ? Oui, car dans Les Crépusculaires, l’enjeu est pour le personnage principal de reprendre et d’achever son éducation en s’émancipant d’un modèle paternel infâme ; or il y parvient à travers une activité herméneutique polymorphe imprégnée de plusieurs traditions repérables, articulées de manière cohérente et dynamique au sein du fil narratif, sans que la qualité littéraire en souffre à aucun moment.
Mots-clés : fantasy, émancipation, herméneutique
Summary : Mathieu Gaborit is a contemporary French novelist who can be situated at the crossroads of two antagonistic orientations of the genre, that of Tolkien, nourished by the idea of hope, and that of Moorcock, more desperate. Can we read this novelist as a philosopher of education ? Yes, because in Les Crépusculaires, the challenge is for the main character to resume and complete his education by emancipating himself from a rude paternal model; he achieves this goal through a polymorphous hermeneutic activity impregnated with several identifiable traditions, articulated in a coherent and dynamic way within the narrative thread, without the literary quality suffering at any time.
Keywords: fantasy, emancipation, hermeneutics
Introduction
Est-il possible de lire les femmes et les hommes qui œuvrent sur le continent littéraire de la fantasy, maîtresses et maîtres par excellence de l’imaginaire, comme des philosophes de l’éducation ? La lecture des Crépusculaires de Mathieu Gaborit1 offre ici matière à investigation. Cette œuvre romanesque, écrite d’une plume érudite et raffinée2 , reprend les principaux traits constitutifs du genre, à commencer par la présence du surnaturel magique3 et le déploiement d’un Monde Secondaire qui, quoique régi par des lois alternatives, est du moins analogue à notre Monde Primaire par son degré de complexité4 . Son cadre historique de référence est comme souvent le Moyen-Âge, « époque enchantée et porteuse de légendes », dont la matière « est d’une telle naïveté et d’une telle richesse que l’on peut y créer en toute liberté » (Gaborit, 2005, 194). Enfin, le public concerné est de façon préférentielle celui des young adults âgés de quinze à trente ans ; cette tranche d’âge est extensible vers le haut mais sans doute beaucoup moins vers le bas dans le cas précis des Crépusculaires – le thème de la torture y revient régulièrement, et crûment.
Outre ces premiers caractères formels, le genre accorde une place importante aux enjeux éducatifs. Or, pour donner de l’épaisseur à leurs personnages de mentors et d’apprentis, pour élaborer des intrigues revêtant une signification et une cohérence fortes, les créatrices et créateurs du genre ont abondamment puisé, dès les origines, dans la tradition philosophique. Plusieurs références majeures ont ainsi été revendiquées à l’étranger5 et se sont diffusées à partir des premières générations anglo-saxonnes dans les œuvres françaises plus récentes. Elles forment un maillage profond, consolidé par le jeu de l’intertextualité, et inscrivent au cœur de la fantasy, dans sa morphologie même, une orientation philosophique encore prégnante chez les nouvelles générations de romanciers, y compris lorsque les références précises se font plus indirectes ou ponctuelles. L’œuvre de Gaborit s’inscrit de manière exemplaire dans cette tendance.
Notre hypothèse de lecture consistera à postuler qu’à travers Les Crépusculaires, le romancier compose un livre hommage à la littérature fantasy en construisant une passerelle entre deux veines antagonistes du genre et leurs arrière-plans philosophiques respectifs : l’heroic fantasy de J. R. R. Tolkien et la sword and sorcery de Michael Moorcock. Au point de départ, le premier livre de la trilogie de Gaborit est informé par un schéma moorcockien, avec en toile de fond un conflit entre les deux forces de la Loi et du Chaos, « opposition entièrement décorellée de toute morale » (Davoust, 2016) ; au point d’arrivée, le troisième livre est au contraire informé par un schéma tolkienien, avec pour toile de fond le conflit, moral par excellence, entre le Bien et le Mal. Quels sont les aspects littéraires et philosophiques caractéristiques de ces deux pôles extrêmes ? Comment voyage-t-on de l’un à l’autre à travers le deuxième livre, philosophiquement central, de la trilogie ?
Sur le plan théorique, notre démarche s’inspire librement de celle mise œuvre par le philosophe américain Gareth B. Matthews au chapitre 9 de sa Philosophie de l’enfance (Matthews, 2024, 137-147) : elle consiste à solliciter un texte littérairement dense, et à lier le travail conceptuel au geste herméneutique en s’inscrivant autant que possible dans cette littérarité résistante. Elle peut également être mise en rapport avec celle de Michel Fabre qui, dans L’Enquête et le Sens, manifeste comme Matthews le soin d’articuler littérature et philosophie sans subordonner l’une à autre, autrement dit sans se servir de la littérature pour « édifier une problématologie expliquée aux enfants » (Fabre, 2023, 25). La distinction proposée par Fabre entre deux modèles philosophico-littéraires de problématisation – le modèle sage de l’enquête et le modèle plus turbulent du sens (ibid, 25) – s’avèrera éclairante pour cheminer dans le demi-jour des royaumes crépusculaires. Enfin sur la question plus délimitée du statut de la référence philosophique au sein du texte littéraire, nous utiliserons la typologie mobilisée par Camille Dumoulier dans Littérature et philosophie (Dumoulier, 2002, 31-32).
I. Souffre-jour (1995), un premier livre d’inspiration moorcockienne, et sartrienne
Dès les premières pages, l’influence de Moorcock sur Gaborit est patente au regard des nombreuses similitudes que l’on peut relever entre leurs personnages principaux. Elric de Melniboné [Moorcock] et Agone de Rochronde [Gaborit] sont deux aristocrates – un empereur et un baron – appelés à succéder à leur père sur le trône et élevés à cette fin à partir du modèle de l’« assassin » (Gaborit, 2020, 105) : au sens propre, celui qui ne craint pas d’infliger la mort, au sens figuré, celui qui jouit sans scrupule de sa position de domination sociale. La perspective de cet héritage familial révulse les deux hommes car elle heurte leur fibre démocratique profonde et leurs aspirations à la paix. Elric et Agone s’émancipent donc de leur entourage et s’engagent dans un combat pour la justice.
La logique de cette émancipation est explicitement sartrienne chez Moorcock, qui place l’auteur de L’Être et le Néant au premier rang des sous-textes de sa fantasy : « J’avais seize ans en 1956 […] et j’atterris à Paris, là où tous les petits Londoniens voulaient aller pour leur première escapade en solitaire à l’étranger. Je m’enthousiasmais pour Sartre, Camus et les existentialistes français. Tous allaient avoir une influence sur les aventures d’Elric » (Moorcock, 2006, III). De très nombreux passages du cycle permettent de vérifier cette influence ; on peut prélever un exemple dans le second livre de l’édition complète, lorsque Moorcock utilise l’exposé de la double néantisation comme canevas d’un récit de rêve de son Éternel Champion :
[§1] La cour d’Imrryr n’était plus celle qu’avaient entretenue les empereurs de Melniboné pendant les millénaires de leur prééminence. Hommes et femmes de toute nation y avaient convergé […]. Il s’y échangeait connaissances et philosophies autant que biens en tout genre. Cette cour ne consacrait pas son énergie à se conserver intacte pour l’éternité mais à s’ouvrir à toutes sortes d’idées nouvelles, à devenir le vivant forum de l’humanité, ne voyant dans ces bouffées d’air frais nulle menace contre son existence mais une stricte nécessité pour en maintenir l’harmonie, allouant toute sa richesse à ceux qui étaient dans le besoin, à l’expérimentation dans les arts et les sciences, à la protection des érudits et penseurs. La splendeur du Glorieux Empire n’était plus malsaine phosphorescence de putréfaction mais pure lumière de sagesse et de bon vouloir.
[2] Tel était le rêve d’Elric, plus cohérent que jamais. Son rêve et ce pourquoi il courait le monde, refusait le pouvoir qui était le sien, risquait sa vie, sa raison, son amour et tout ce qui comptait pour lui, estimant que l’existence ne valait pas la peine d’être vécue sinon dans une périlleuse quête de savoir et de justice. (Moorcock, 2006, 168-169, nous soulignons).
Dans le premier paragraphe, les passages soulignés sont de forme grammaticale affirmative et relèvent du premier aspect de la double néantisation sartrienne, consistant à « poser un état de choses idéal comme pur néant présent » ; les passages non-soulignés, de forme grammaticale négative, relèvent du deuxième aspect consistant à « poser la situation actuelle comme néant par rapport à cet état de choses ». Dans le passage souligné du deuxième paragraphe, Moorcock confirme que cette liberté incarnée en Elric s’arrime à la possibilité affectée à toute conscience « de faire une rupture avec son propre passé, de s’en arracher » ; le passage non-souligné mentionne la finalité de cet arrachement : conférer à ce passé « une signification […] à partir du projet d’un sens qu’il n’a pas » (Sartre, 1943, 479).
Les valeurs démocratiques que revendique ici Elric – la justice, la concorde, l’épanouissement des sciences et des arts – appartiennent à son système hiérarchisé de valeurs, un système personnel à partir duquel s’organise son projet, au sens sartrien du terme. Il faut noter qu’Elric est très isolé dans ce projet ; à aucun moment le roman ne suggère que ses valeurs seraient partagées ni encore moins inscrites dans un ciel des Idées. Sous le rapport conceptuel, nous sommes dans un cadre strictement nominaliste : le conflit cosmique entre les partisans de la Loi et ceux du Chaos n’est a priori arbitré par aucun dieu ni aucune entité transcendante. Elric le déplore en reprenant à nouveau la terminologie sartrienne dans le quatrième livre :
Existe-t-il un Dieu ultime, ou non ? Voilà ce qu’il me faut savoir, Shaarilla, pour donner un but à ma vie. […] Nous savons que les Dieux Anciens, comme nous les appelons, vivaient jadis, et sont morts. […] Parfois, Shaarilla, je cherche désespérément le réconfort d’un Dieu. La nuit, mon esprit fouille le désert noir de l’espace à la recherche de quelque chose – de n’importe quoi – qui me protégerait, me réchaufferait, me dirait qu’il y a un ordre dans cet univers chaotique, et que la course ordonnée des planètes n’est pas simplement une inconsistante étincelle de raison au sein d’une éternité malfaisante et anarchique. (Moorcock, 2006, 487)
L’aiguillon du désespoir d’Elric réside dans le problème qui, avant Moorcock tourmente Sartre, et avant Sartre tourmente Nietzsche, Heidegger et Jaspers : « [Dieu] est mort : il nous parlait et il se tait, nous ne touchons plus que son cadavre. Peut-être a-t-il glissé hors du monde, ailleurs, comme l’âme d’un mort, peut-être n’était-ce qu’un rêve. […] Ce silence du transcendant, joint à la permanence du besoin religieux chez l’homme moderne, voilà la grande affaire, aujourd’hui comme hier. » (Sartre, 1947, 153)
Dans Crépusculaires, c’est de façon plus périphérique et humoristique la rapière du héros qui « cherchait un sens à sa naissance » (Gaborit, 2020, 150). Pour Agone lui-même, les choses sont d’abord plus simples. Sa deuxième éducation, éducation choisie pour annuler ou à défaut recouvrir une première éducation subie, lui est dispensée par le dénommé Maître Guillaume, sorte de guide spirituel d’un mouvement révolutionnaire appelé l’Itinérance : « Cette puissante organisation, initiée par des échevins des lointaines Provinces liturgiques, formait des itinérants capables d’enseigner l’écriture dans les campagnes. Nos valeurs étaient celles de l’honneur et de la fraternité. En rejoignant l’Itinérance, j’échappais à l’influence de mon père et combattais celle des autres barons pour offrir aux paysans la liberté de penser » (ibid, 8). On observe donc bien, comme chez Moorcock, un mouvement de rupture radicale avec le passé, mais contrairement à Elric, Agone l’opère en intégrant un projet collectif et en adoptant l’hypothèse d’un réalisme conceptuel autrement plus rassurant que le nominalisme qui prévalait dans le multivers anarchique moorcockien. C’est en tout cas ce que suggèrent les majuscules omniprésentes dans les Devoirs itinérants, corpus de règles qu’Agone se récite comme un véritable missel : « Le Vocable est un lien vital. Tu éduqueras ton âme pour servir l’Ignorant… […] La Transmission est esprit. L’Humilité protège le Savoir… » (ibid, 29).
Pourtant, cet univers de croyance – dans lequel le lecteur empathique a tendance à entrer au début du roman – va progressivement se décomposer à mesure que s’érode en Agone la conviction que le monde peut être séparé en deux camps : celui des dominateurs d’un côté et celui des émancipateurs de l’autre. Son passage dans le collège du Souffre-jour, « schola terribilis » (Guillaud-Bataille, 2022, 52) dédiée à la formation des éminences grises de l’Urguemand et point de départ de sa troisième éducation, est la cause de cet effritement, car Agone y prend progressivement conscience de la complexité des rapports de pouvoir qui président aux destinées des royaumes. Barons, magiciens de toutes obédiences, Accordés, éminences : chaque groupe joue sa partition et protège ses intérêts à travers des alliances opportunistes, révisables en fonction du cours de la grande Histoire et des jeux de stratégie internes. Dans cet écheveau, à rebours de la simplicité de ses vues initiales et de ses vœux de fermeté, Agone manifeste à l’égard de ses soutiens successifs une versatilité qui rappelle encore Elric : après avoir trahi son père auprès de Maître Guillaume, il trahit celui-ci auprès de l’Éclipsiste Lerschwin, puis il trahit d’une certaine manière Lerschwin en faveur de Diurne, le principal du Souffre-jour.
Même si sa déloyauté est moins accusée et moins retentissante que dans le roman de Moorcock6 , Agone le joueur de cistre confirme donc la chaîne conceptuelle sartrienne : artiste = être libre, liberté = déloyauté. Ce système d’équivalence, formulé de manière condensée et polémique dans Situations I – « Tout art est déloyal » (Sartre, 1947, 7) – fait l’objet, dans L’Être et le Néant, d’un dépliage qu’illustre chacun des revirements d’Agone7 dans le premier livre de la trilogie : « Sans doute les engagements pris pèsent sur moi […] : mais c’est précisément parce que mes projets sont tels que je ré-assume [ces liens], c’est-à-dire précisément parce que je ne projette pas le rejet [de ces liens] […]. Que soudain […] je modifie radicalement mon projet fondamental […], et mes engagements antérieurs perdront toute leur urgence » (Sartre, 1943, 544).
II. Agone (1996), un troisième livre d’inspiration tolkienienne, et chrétienne
Le troisième livre constitue le moment tolkienien de la trilogie. C’en est fini du jeune homme naïf et inconstant ; Agone a tissé des liens forts avec chacun des groupes influents d’Urguemand et le voici, « Baron, mage et Accordé » (Gaborit, 2020, 343), placé comme Gandalf à la tête d’une fraternité composée de sa sœur Ewelf, du censeur Arbassin, de la chorégraphe Eyhidiaze, du mage obscurantiste Orchal et de l’architecte nain Araknir. Ils forment une troupe non moins bariolée que celle conduite par le Mage Gris – quatre hobbits, trois hommes, un elfe et nain. Les uns ont attenté par le passé à la vie des autres, mais ils se fédèrent parce qu’un péril menace l’équilibre du monde. Dans Les Crépusculaires, ce péril est incarné par trois mages mégalomanes, inventeurs d’une puissante machine de torture qui leur confère un pouvoir inédit. En voici la description :
Près de trois cents Danseurs vacillaient dans la partie supérieure du globe, suspendus dans le vide par des boyaux couleur d’onyx. […] Cette toile noire et luisante formait un véritable mécanisme d’horlogerie, où chaque Danseur avait sa place. […] Des filaments noirs de jais se matérialisèrent dans l’axe des créatures. Cambrées par la souffrance, elles offraient leur vie pour qu’un trait noir jaillisse de leur poitrine et s’étende à travers le globe. […] La maille des filaments s’épaississait à tel point que la nuit semblait être tombée à l’intérieur du globe de jade (ibid, 435-440).
Ce passage entre en résonance avec l’imaginaire tolkienien de la souffrance, asphyxiante au sein d’un monde où le Mal étend continûment son empire : « Si l’angoisse était visible, pratiquement la totalité de cette planète plongée dans les ténèbres serait enveloppée dans une dense vapeur sombre, cachée à la vue stupéfaite des cieux ! » (Tolkien, 2015, 114-115). Mais chez Tolkien comme chez Gaborit, on peut in fine constater que le Mal « ne fait toujours que préparer le sol pour qu’un Bien inattendu y pousse » (ibid), affirmation à prendre au pied de la lettre dans Les Crépusculaires puisque le sauvetage in extremis de la fraternité vient d’une « chose qui pousse », une branche d’un nouveau Souffre-jour qui crucifie littéralement les ennemis.
L’opposition du Bien et du Mal, disqualifiée dans le premier livre d’inspiration moorcockienne, retrouve ici toute sa pertinence. Encore faut-il insérer ici deux précisions :
Premièrement, le Mal, chez Gaborit comme chez Tolkien, n’a aucune consistance ontologique, il est plutôt un néant, un défaut. Sur cette question, Simon Merle et Mathieu Amat font un parallèle très convaincant entre Les Enneades de Plotin et le Seigneur des Anneaux de Tolkien. Ils montrent à partir de l’exemple de Sauron et des Nazgûls que le progrès du mal chez les méchants débouche sur leur effacement progressif (Amat, Merle, 2020, 147-162). Leur analyse peut tout à fait être reconduite à propos du trio Mandigo-Diphome-Essyme, dont les paroles finissent par devenir incohérentes jusqu’à la démence complète.
Deuxièmement, puisque le Mal se trouve dans le non-être, il n’y a pas de Mal Absolu à combattre, mais simplement une entité mauvaise parmi d’autres, qui ne devient l’Ennemi que parce qu’une certaine configuration socio-historique lui a permis de franchir un seuil critique, dans la quantité des pouvoirs qu’il concentre et corollairement dans la quantité des douleurs qu’il inflige. Ce critère quantitatif et cette idée d’effet de seuil sont primordiaux chez Gaborit : ce n’est pas le fait de la torture pratiquée par les trois Obscurantistes qui scandalise la fraternité d’Agone – eux-mêmes sont contraints de pratiquer la magie noire, et donc la torture, pour ouvrir certains passages ou déminer certains pièges. Ce qui pose problème c’est « le nombre considérable de Danseurs brisés et assassinés » (Gaborit, 2020, 404). L’intransigeance morale n’est certes pas totalement absente de la trilogie, elle trouve par exemple des porte-voix chez les Petits Chasseurs, qui « se sont juré de ne jamais instrumentaliser les Danseurs » (ibid, 224), ou pour le dire en termes kantiens de ne jamais les considérer comme un moyen mais toujours comme une fin. Mais précisément pour cette raison les Petits Chasseurs ne prennent pas part au combat final et sont absents de ce troisième livre des Crépusculaires. En somme il y a indubitablement un conflit entre le Bien et le Mal, mais cette opposition se constitue dans un cadre beaucoup plus conséquentialiste ou utilitariste que déontique, ce qui préserve une certaine vraisemblance et une certaine cohérence de la trilogie et déforme quelque peu au passage le cadre moral tolkienien de référence.
Récapitulons. Parti dans le premier livre de la trilogie pour remplir une simple formalité testamentaire et prendre au passage quelques informations – Le Souffre-jour des légendes existe-t-il ? Qu’y fait-on au juste ? –, Agone voit bientôt les innocentes questions se transformer en d’épineux problèmes qui le contraignent à prendre des positions à son corps défendant, en réassumant une partie d’un héritage paternel dont il pensait s’être entièrement dégagé. Le héros est si bien mis à l’épreuve dans ses valeurs et ses loyautés que le « modèle sage » de l’enquête cède rapidement la place au « modèle turbulent » du sens, modèle au sein duquel se brouillent à la fois le rapport au réel et la question de l’identité (Fabre, 2023, 35) – À qui ou à quoi puis-je me fier ? Qui suis-je ? Qu’est-ce que je veux ? Dans le troisième livre, Agone a repris son assise ; le personnage a certes changé de façon spectaculaire, mais le monde autour de lui a du moins retrouvé sa lisibilité et le moi sa force d’affirmation ; le modèle de problématicité est donc redevenu celui de l’enquête – Où est l’ennemi ? Quelle est la logique de son action ? Comment le neutraliser ?
Reste à déterminer comment se sont opérées, dans le deuxième livre, cette traversée des turbulences et cette profonde métamorphose.
III. Les Danseurs de Lorgol (1996), un deuxième livre « passerelle » proprement gaboritien, et nietzschéen
De quoi peut être fait le trait d’union entre un premier livre marqué par l’influence d’une philosophie athée, et un troisième livre marqué par l’influence d’une philosophie chrétienne ? Comment passer des démêlés de la Loi et du Chaos aux démêlés du Bien et du Mal ? D’un cadre moral où le néant est synonyme de liberté à un cadre moral où le néant est synonyme de corruption ? Littérairement parlant, il fallait principalement réussir à associer deux brins, à tisser ensemble deux chemins diégétiques : le passage d’une configuration géopolitique stable à une configuration critique – que Gaborit ménage à travers le récit d’une tentative d’annexion du royaume d’Urguemand par les royaumes voisins – ; le passage d’un caractère initialement solitaire et complexé du personnage principal à son tempérament final d’homme providentiel et de faiseur de roi8 .
La conclusion du premier livre annonce la référence nietzschéenne constituant la clef de voute philosophique du deuxième. Elle va s’avérer un véritable « opérateur formel » (Macherey, 1990 ; Dumoulier, 2002, 31-32), c’est-à-dire qu’à travers elle le moment philosophique ne sera pas un simple ornement conceptuel au sein du récit – une « référence culturelle » – ni le récit une simple illustration narrative du concept – le « support d’un message spéculatif » (ibid).
Après l’échec de ses deux premières éducations, la première le brutalisant, la seconde niant purement et simplement la première et le condamnant à une forme d’incomplétude et d’imposture, Agone a l’intuition que son passage au Souffre-jour a engagé une troisième éducation qui le met sur la piste d’une véritable émancipation. Il le dit à son épée :
– J’ai compris l’essentiel avec Diurne.
– Quoi donc, mon maître ?
– À présent, je suis ce que j’étais (Gaborit, 2020, 126).
On repère ici sous une forme détournée, exprimée depuis un accomplissement au moins temporaire, l’une des injonctions récurrentes du corpus nietzschéen : « Deviens ce que tu es » – formule déclinée avec des variations dans les Considérations inactuelles, Ainsi parlait Zarathoustra, Ecce Homo et le Gai savoir. Comme souvent, le succès populaire qu’a rencontré cette formule lui a été dommageable puisque dans bien des cas, elle finit par servir de support à des significations tout à fait étrangères au propos nietzschéen9 . Or il se trouve que le deuxième livre de la trilogie voit au contraire le personnage répondre de manière authentiquement nietzschéenne à cette injonction, en acceptant tout ce qu’elle a de paradoxal, d’exigeant et de périlleux.
Sur le plan analytique, la formule nietzschéenne contient une difficulté dans la mobilisation du concept même de sujet, difficulté tout à fait intégrée par Gaborit. « Il faut accepter d’employer des termes du type “je” et “moi” tout en se rappelant que ce [sont] des unités lexicales, [qu’elles] ne renvoient pas à des unités ontologiques ni réelles. […] Il y a de la singularité, mais de la singularité qui n’est pas substantielle et qui recouvre de la multiplicité » (Denat, 2019, 24’). Contrairement aux apparences, il n’est donc pas contradictoire qu’après s’être félicité « d’être ce qu’il était », Agone affirme qu’il souhaite apprendre la magie « pour devenir un autre » (Gaborit, 2020) puisque devenir ce qu’on est, c’est en fait explorer cette multiplicité et donc « devenir davantage que ce “j’étais” ou que “je suis” actuellement ».
Dans la conduite générale de sa vie, le caractère très ouvert de la formule est une invitation à ne pas s’enfermer dans des buts trop déterminés, parce que « se fixer un but, cela revient d’emblée à borner son être. Si […] tous mes efforts s’orientent vers ce but unique, peut-être que je vais manquer d’autres possibilités qui étaient inhérentes à mon “être”, peut-être que je ne vais pas exploiter d’autres tendances beaucoup plus productives qui étaient en moi » (Denat, 2019, 48’). Aussi Agone assume-t-il « d’[ignorer] quel habit [il s’]apprête à endosser » (Gaborit, 2020, 129-131) sans que cette indécision soit nullement un aveu de faiblesse. Ne pas choisir trop précocement une voie ou un état définitif, c’est aussi laisser des espaces pour acquérir de nouvelles connaissances, s’engager dans de nouveaux apprentissages qui se nourrissent mutuellement : Mélodène, professeur de musique d’Agone, pronostique que son expérience itinérante facilitera l’apprentissage accéléré de l’Accord (ibid, 110) ; Sarne, son professeur de magie, constate avec émerveillement que la relation d’Agone avec le Danseur est singulièrement facilitée par sa connaissance de la musique (ibid, 151).
Sur le plan du travail concret auquel appelle Nietzsche à travers cette formule, on constate dans la troisième Inactuelle qu’il s’agit d’un travail herméneutique portant sur le passé : « Qu’as-tu vraiment aimé jusqu’à ce jour, quelles choses t’ont attirée, par quoi t’es-tu sentie dominée et tout à la fois comblée ? Fais repasser sous tes yeux la série entière de ces objets vénérés […]. Compare ces objets, vois comme ils se complètent, s’élargissent, se surpassent, se transfigurent mutuellement » (Nietzsche, 2000, 578). Dans le cas d’Agone, l’opération de néantisation que nous avons évoquée plus haut, celle à travers laquelle il a fait rupture avec son éducation paternelle, s’est doublée, malgré les mises en garde de sa sœur Ewelf, d’une démarche volontaire de suppression des souvenirs honnis – les expressions « enterrer le passé », « rayer le passé » sont récurrentes au début de la trilogie –, ce qui constitue une impossibilité en amont du « Deviens qui tu es ». Le passage d’Agone au Collège du Souffre-jour restaure cette possibilité en déterrant ses souvenirs. Au début du deuxième livre l’indispensable travail herméneutique à partir de cette matière reste toutefois à faire : on n’accède pas en effet à la hiérarchie singulière organisant la multiplicité de pulsions et d’instincts qui nous caractérisent à partir d’une matière brute de souvenirs, il faut encore leur assigner un patient processus de tri, d’analyse, de mise en relation. Cette activité herméneutique, Agone choisit de l’effectuer avec son corps en arpentant de nouveau les Bas-Quartiers de la ville de Lorgol, théâtre des anciennes expéditions punitives menées avec son père. Conscient de l’importance décisive de cette étape, il se l’annonce à lui-même théâtralement : « Tu m’as tout pris, garce, grondai-je en pensée. Tu m’as volé mon enfance, tu as craché sur mes rêves. Tu m’as mâché comme un papillon trop fragile. […] Eh bien je suis là, devant toi. Prêt à te mâcher à mon tour » (Gaborit, 2020, 154). Gaborit en décrit les étapes, les prudences, les réticences et finalement le succès :
Le premier jour, je me contentai d’évoluer à la périphérie du quartier. Les trois nuits suivantes, je m’aventurai de plus en plus loin […] Je livrais un combat silencieux, je refusais encore d’admettre que j’aimais cet endroit à mesure que mes entrailles s’éveillaient au détour d’une rue ou d’une encoignure familière. J’étais chez moi, enivré par un décor qui avait fait de moi un homme et un assassin (ibid, 156).
Sa réconciliation avec la ville ne ramène pas Agone à l’état révolu d’« assassin », mais elle le remet en contact avec le tissu de son enfance et restaure l’intégrité de sa personne ; en outre, l’exercice herméneutique pratiqué sur cette part de lui-même le prépare à décrypter le monde extérieur avec une plus grande perspicacité, notamment lorsqu’il s’agit d’interpréter les comportements humains. Ainsi, alors qu’il a passé l’intégralité du premier livre à se laisser prendre à toutes les ruses, Agone acquiert dans le second livre une sûreté de jugement sur la fiabilité des discours et des personnes qui le fait tout bonnement basculer de l’enfance vers l’âge adulte. Devenir ce que l’on est, cela coûte – Agone et Zarathoustra voient leur cheveux blanchir et leur teint devenir « cendreux » (ibid, 288) pour le premier « noirâtre et jaune » (Nietzsche, 2006, 293) pour le second – mais on y gagne de passer dans la catégorie des « pêcheurs d’hommes » (ibid, 295), c’est-à-dire des éducateurs.
Faut-il conclure de ces résonances que Gaborit écrit sur un canevas nietzschéen comme parfois Moorcock sur un canevas satrien ? La lecture laisse plutôt l’impression d’une analogie profonde entre les deux approches herméneutiques qui se révèle lors de moments-charnières, sans que le littéraire ne puisse jamais être réduit au rang de transposition d’une doctrine importée.
Conclusion
Quels philosophes de l’éducation les autrices et auteurs de littérature fantasy sont-ils ? À quoi pense la fantasy quand elle se penche sur l’éducation ? Au terme de cette réflexion, il apparaît que l’un des mérites des ces philosophes-romanciers est peut-être de rappeler aux philosophes-professeurs qu’il ne faut pas être trop prompts à universaliser nos modèles. Dans les Crépusculaires, la tâche des émancipateurs successifs d’Agone s’avère moins de trouver la voie éducative ultime que d’aménager à chaque fois une voie éducative praticable, compatible avec le terreau d’expérience de l’élève. Dans le parcours intellectuel d’Agone, l’existentialisme athée, la philosophie chrétienne, le nietzschéisme ne peuvent être tenus ensemble simultanément, ils peuvent en revanche tout à fait se succéder avec bonheur, en s’imposant comme des solutions certes provisoires mais vivifiantes au moment où elles sont mises en œuvre.
Comme les analyses qui précèdent ont beaucoup consisté à scruter des emprunts et des références, il convient de rendre la parole à Mathieu Gaborit qui s’est exprimé sur le sujet :
L’emprunt n’existe pas dans mon processus de création. Du moins en l’état. Un auteur de fantasy comme moi peut chercher les échos de son imaginaire dans celui des autres. Une idée, un concept, une scène décrites par un autre auteur font écho ou font sens pour moi. Il n’y a pas d’emprunt direct. Il y a recyclage, association d’idées, bref ce que j’appelle l’écho : bien souvent une image que je vais étirer, extrapoler ou déformer. Un monde de fantasy pensé, développé et cohérent n’a pas besoin de références-béquilles (Gaborit, 2005, 193-194).
Nous évoquions en introduction l’épaisseur de littérarité du texte. Chez Gaborit, cette épaisseur consiste en partie dans ces effets de « recyclage », d’« écho », d’« extrapolation », de « déformation » des références philosophiques. Un projet d’enquête comme celui que nous avons entrepris ici commence souvent par le repérage de citations ou de concepts philosophiques identifiables en relation avec un aspect éducatif, ici le projet d’émancipation du personnage. Mais l’examen ne peut se limiter à une succession de dépliages analytiques : à ce compte, le détour par le texte littéraire deviendrait inutile. Si au contraire nous considérons ces moments conceptuels en prenant au sérieux les agrammaticalités qu’ils génèrent et en interrogeant la portée de leur rayonnement, ils deviennent les bornes d’un espace d’exercice herméneutique à la fois délimité et ouvert, puisqu’ils balisent l’interprétation par les modèles interprétatifs singuliers que la trilogie elle-même contribue à générer dans l’acte de lecture ; ainsi peut-on espérer « faire dialoguer littérature et philosophie sans qu’aucune d’entre elles ne prétende dominer l’autre et de sorte qu’elles s’enseignent mutuellement » (Fabre, 2023, 25).
Et comme, dans le cas particulier de la fantasy, le territoire littéraire est imprégné par le geste spéculatif, comme la trilogie romanesque de Gaborit fait en outre la part belle au geste phénoménologique – utilisé par Agone pour dissiper les faux-semblants – et au geste dialectique – mobilisé pour naviguer dans les multiples conflits de valeurs –, il y a vraisemblablement ici de quoi articuler, à partir d’autres thèmes, toutes les dimensions d’un philosopher élémentaire [ein elementares Philosophieren] (Martens, 2008, 2-3), et faire de la bonne philosophie littéraire avec des adolescents et de jeunes adultes.
Bibliographie
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Sartre, J.-P. (1943). L’être et le néant. Gallimard.
Sartre, J.-P. (1947). Situations I. Gallimard.
Tolkien, J. R. R. (2005). Lettres. Christian Bourgois.
Notes
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« Fer de lance [...] de la première vraie génération de fantasy française » (Faye, 2016, 151), la trilogie de Mathieu Gaborit a d’abord été intitulée Les Chroniques des Crépusculaires lors de sa publication en volumes séparés : Souffre-Jour (1995), Les Danseurs de Lorgol (1996), Agone (1996). Nous les citerons à partir de l’édition intégrale Les Crépusculaires, Hélios, Saint-Laurent d’Oingt, 2020. Pour un panorama de la fantasy française des années 1990 et du début des années 2000, voir aussi Anne Besson, 2007, p. 54-58.
- [←2 ]
Sur le plan du style et pour les Crépusculaires, Gaborit se réclame de Julien Gracq ; la ville de Lorgol, où se déroule une grande partie des pérégrinations du personnage principal, fait signe vers le Château d’Argol.
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Surnaturelle de l’extérieur, la magie est en fait le plus souvent naturelle de l’intérieur ; dans les Crépusculaires, elle est associée à des figures humaines (le mage et la chorégraphe, les Accordés), à une figure animale (le Danseur), à une figure végétale (le Souffre-jour), et à un objet (la rapière).
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M. Gaborit romancier mentionne conjointement ces deux traits génériques qui s’imposent à partir du Seigneur des Anneaux de J. R. R. Tolkien : « Il est le premier à avoir tissé entre toutes ces légendes une “réalité sociale et historique” parallèle à la nôtre ». (Gaborit, 2005, 196)
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On peut évoquer, sans prétendre nullement à l’exhaustivité : en Angleterre, la philosophie antique et scolastique disséminée dans l’œuvre de Tolkien et l’existentialisme français inspirant celle de Michael Moorcock ; aux États-Unis, le taoïsme chez Ursula Le Guin ; en Allemagne, le taoïsme et la philosophie nietzschéenne chez Michael Ende.
- [←6 ]
Dans le livre 4, Elric est littéralement le fossoyeur de son propre empire (Moorcock, 2006, 476).
- [←7 ]
« Tu ne veux rien, tu laisses les autres vouloir pour toi », lui reproche encore une maîtresse chorégraphe dans la première partie du deuxième livre (Gaborit, 2020, 195).
- [←8 ]
Agone prépare l’accès au trône du premier baron, comme le fait Gandalf au profit d’Aragorn (Le Seigneur des Anneaux), Merlin au profit d’Arthur (La Quête du roi Arthur de T. H. White), Ged au profit de Lebannen (Terremer d’Ursula K. Le Guin).
- [←9 ]
Pour la dernière en date de ces instrumentalisations, par la sphère masculiniste française, voir Anne Jourdain, 2024, p. 1 et 12.
Annuel de la recherche en philosophie de l’éducation ISSN 2779-5292