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samedi 1er mars 2025
Pour citer ce texte : PEYRONIE, H. (2025). Un itinéraire : de la philosophie à la sociologie Annuel de la Recherche en Philosophie de l’Education , 5 ,
[https://www.sofphied.org/annuel-de-la-recherche-en-philosophie-de-l-education/arphe-2024/itineraires-de-recherche-en-philosophie-de-l-education/article/un-itineraire-de-la-philosophie-a-la-sociologie]
Un itinéraire : de la philosophie à la sociologie
Henri Peyronie
Professeur émérite
Cirnef ur7454
Université de Caen Normandie
Résumé : En reconstituant les temps forts d’un itinéraire professionnel et intellectuel singulier, et en les situant dans leurs divers contextes successifs, ce texte cherche à identifier les ressorts d’une reconversion depuis une formation initiale académique en philosophie, vers des travaux de recherche et un enseignement en sociologie de l’éducation. Pourquoi l’intérêt initial pour la philosophie et pour son enseignement en classe de terminale a-t-il achoppé sur l’enseignement de cette discipline dans le cadre institutionnel de la formation des professeurs des écoles ? Pourquoi le processus, impulsé par les autorités académiques et politiques, dans les années 1970 et 1980 de ré-enracinement des cours des professeurs de philosophie en école normale d’instituteurs dans le corpus des textes des grands auteurs des programmes de l’agrégation de philosophie, n’a-t-il pas empêché la « dérive » d’un certain nombre d’entre eux vers un adossement aux sciences humaines ? Dans le cas décrit ici, quel a été le poids « existentiel » de l’immersion dans l’altérité culturelle (en Algérie et plus encore au Cambodge) ou dans l’immersion sociale d’une année en usine sidérurgique pour puiser dans la philosophie et dans la sociologie des outils d’intelligibilisation pour « prendre en charge les questions qui sourdent de l’expérience de notre temps » ?
Mots-clés : Philosophie de l’éducation. Sociologie de l’éducation. Enseignement de la philosophie. Altérité sociale. Altérité culturelle
Abstract : By reconstructing the highlights of a singular professional and intellectual itinerary, and situating them in their various successive contexts, this text seeks to identify the driving forces behind a reconversion from initial academic training in philosophy to research and teaching in the sociology of education. Why did the initial interest in philosophy and in teaching it in the final year of secondary school stumble on the teaching of this subject in the institutional framework of training schoolteachers? Why did the process, initiated by academic and political authorities in the 1970s and 1980s, of re-rooting the courses of philosophy teachers in teacher training colleges in the corpus of texts by the great authors of the agrégation de philosophie syllabus, fail to prevent the ‘drift’ of a certain number of these courses towards a leaning towards the human sciences? In the case described here, what was the ‘existential’ weight of immersion in cultural otherness (in Algeria and even more so in Cambodia) or in the social immersion of a year in a steelworks, in order to draw from philosophy and sociology the tools of intelligibilisation to ‘take charge of the questions that arise from the experience of our time’
Keywords : Philosophy of education. Sociology of education. Teaching philosophy. Social otherness. Cultural otherness
J’ai proposé le titre de cet article quelques jours seulement après avoir travaillé en vue d’une intervention (dont ce texte est issu), dans une partie d’un séminaire de la Sofphied, sur les « Itinéraires de recherche en philosophie de l’éducation »1 . Le titre initial de mon exposé – et « la commande » en quelque sorte – était : « De la philosophie à la sociologie ». Au moment de l’invitation, j’avais dit ma réticence, car j’avais imaginé qu’il me faudrait défendre mon éloignement de la philosophie et mon glissement vers la sociologie de l’éducation avec une argumentation de type philosophique, puisque j’étais l’invité de la Sofphied. Et je n’avais pas envie de faire cela. J’avais écrit aux organisateurs de la séance, Michel Fabre et Camille Roelens :
Mon intervention ne sera pas du niveau d'élaboration conceptuelle des contributions de Michel Fabre (2024) ou d'Alain Vergnioux (2024) [pour la rubrique « Itinéraires de recherche en philosophie de l’éducation » de ces deux collègues dans la revue en ligne Annuel de la Recherche en Philosophie de l’Éducation]. Elle sera proche du genre d'écriture de la rubrique « Itinéraires de recherche » dans la défunte revue Perspectives documentaires en éducation.
Au terme de la conception de cette intervention, il me semble que j’ai surtout mis l’accent sur l’évocation du poids de leurs contextes sur les orientations de ma trajectoire ; au détriment d’une justification rationnelle, argumentant en faveur de la plus grande légitimité épistémologique d’une discipline contre une autre. Je vous livre le résultat de cette démarche.
I. Une remarque préalable
Le glissement ou « la reconversion intellectuelle » de « philosophes » vers les sciences humaines constitue une trajectoire relativement banale depuis la fin du XIXe siècle. Pour ce qui nous concerne ici, il y a des figures tutélaires de reconversions vers la sociologie et l’anthropologie : Émile Durkheim (1858-1917) et Marcel Mauss (1872-1950). Mais il y a aussi des universitaires qui ont pratiqué ce glissement et qui ne sont pas (ou peu) passés à la postérité, ainsi : Gaston Richard (1860-1945) agrégé de philosophie, professeur à Bordeaux en sociologie, d’abord proche de Durkheim, puis opposé à lui [source : Data Bnf].
On observe déjà, également à cette époque, des bifurcations vers la psychologie : Edmond Cramaussel à Montpellier, auteur en 1909, chez Alcan, de : « Le premier éveil intellectuel de l’enfant » [Source : Persée]. Plus tard et plus proche de nous : Henri Piéron (1881-1964), agrégé de philosophie lui aussi, s’efforça avec détermination de faire de la psychologie la discipline légitime du discours savant sur l’éducation [Bulletin de psychologie, 2014].
Il a existé également des bifurcations de philosophes vers la pédagogie et la science de l’éducation, ou les sciences pédagogiques : Henri Bouchet (1896-1972) qui, dans l’entre-deux-guerres, mit en œuvre « les sciences pédagogiques de l'Éducation nouvelle dans ses classes en tant que professeur de philosophie, et dans le scoutisme en tant que chef »2 , et soutint deux thèses en Sorbonne dans le champ de la pédagogie en 1933 : Le scoutisme et l’individualité, et Le scoutisme, bases psychologiques, méthodes et rites3 .
Je ne suis pas un spécialiste de l’histoire culturelle de cette époque : les auteurs que j’évoque ici, je les ai rencontrés à l’occasion d’un travail sur la rubrique « Chronique française », de la revue Pour l’Ère nouvelle, dans la période 1925-1939 ; chronique tenue par un instituteur normand, Eugène Delaunay qui mobilisait ces auteurs pour enrichir la présentation des articles pédagogiques de plusieurs dizaines de revues dont il s’efforçait de rendre compte.
Si j’en crois cette source, la tendance la plus forte pour ce qui concerne la réflexion sur l’éducation, fin XIXe début XXe, me semble avoir été traitée autour de la question morale, dans une perspective philosophique :
Dominique Parodi (1870-1955) « l’incarnation du "philosophe professeur", du moraliste républicain et laïque du moment 1900 en philosophie »4 , (normalien, président du jury d’agrégation) : Les bases psychologiques de la vie morale, chez Alcan (1928).
Georges-Henri Luquet (1876-1965), normalien, agrégé de philosophie (élève de Bergson et de Lévy-Brühl), auteur d’une thèse de doctorat intitulée Les dessins d'un enfant, publiée chez Alcan. Il travaillait aussi en psychologie cognitive, ainsi qu’en ethnographie et anthropologie (d’après sa fiche sur le site de la Bnf).
Ou encore, plus près de nous, le philosophe Marc-André Bloch (1895-1982), auteur de Philosophie de l’éducation nouvelle, publié aux Presses universitaires de France, en 1948, dans la collection « Bibliothèque de philosophie contemporaine » (fondée par l’éditeur Félix Alcan). Un peu plus tard, Marc-André Bloch codirigera la collection « Pédagogie d’aujourd’hui », aux Presses Universitaires de France, en collaboration (ou en concurrence ?) avec Maurice Debesse et Gaston Mialaret ; ce dernier prendra seul la direction de cette collection en 19785 . Dans mes études de philosophie à l’Université de Caen, entre 1963 et 1967, pour le certificat de Psychologie, j’ai suivi simultanément les cours de Marc-André Bloch et de Gaston Mialaret, (et j’ai été témoin de leur manque d’estime réciproque, l’un pour l’autre, quant à leurs orientations épistémologiques respectives…).
Et dans l’année précédente, dite « propédeutique », le cours de philosophie portait sur un auteur plus ancien d’un demi-siècle : Jean-Marie Guyau (1854–1888), « philosophe et poète », qui fut considéré comme un penseur de l’éducation avec : Esquisse d’une morale sans obligation ni sanction (chez Alcan, 1884), ou encore Éducation et Hérédité, sous-titré Étude sociologique6 (1889, toujours chez Alcan). En 2001 Le Télémaque a publié un article de Jordi Riba dont le titre est significatif : « L'éducation incessante. Philosophie et pédagogie chez Jean-Marie Guyau » (Riba, 2001).
Je quitte ces générations pour évoquer des reconversions intellectuelles de la philosophie vers la sociologie, avec nos propres penseurs de référence : Pierre Bourdieu, Raymond Aron, Raymond Boudon, Jean Claude Passeron, Georges Friedmann, Robert Castel, Jean-Michel Berthelot, Bruno Latour, Roger Establet, Lise Demailly (décédée au début de cette année), Dominique Meda…
La plupart sont devenus « sociologues » avec un statut universitaire qui ne relevait pas de la 70e section du Cnu (la section universitaire des Sciences de l’éducation). Mais sous le titre « Les philosophes et le réel. Enquête sur les reconversions intellectuelles des philosophes (1968-1985) », dans sa thèse de sociologie (2017a) Gaspard Fontbonne, a travaillé sur ces reconversions et a identifié un flux important de professeurs, depuis la philosophie vers les sciences de l’éducation :
En effet, parmi les quatre secteurs principaux des sciences humaines universitaires ayant accueilli des philosophes de formation dans cette période, la sociologie, l’anthropologie, la psychanalyse et les sciences de l’éducation : ces dernières ont constitué la discipline majoritairement investie. Entre 1968 et 1979, ce ne sont pas moins de 53 individus titulaires du Capes ou de l’agrégation de philosophie dont la carrière académique a dépendu de la section 70 du Cnu. (Fontbonne, 2017b).
Une des raisons de ce flux important, ce sont les « philosophes » qui furent nommés en École normale d’instituteurs, puis en Iufm et qui, dans leurs recherches, s’éloignèrent de l’approche philosophique stricto sensu. G. Fontbonne insiste sur l’idée que s’éloigner de la discipline noble (la philosophie, « discipline souveraine ») fut compensé pour ces « philosophes » par l’entrée dans la carrière universitaire. Cependant, l’appartenance académique à la 70e section ne dit rien de l’orientation « disciplinaire » ou « épistémologique » des collègues concernés. G. Fontbonne l’observe :
Plutôt que des professionnels des "sciences de l’éducation" qui s’entendraient sur un certain nombre de principes, d’axiomes et de méthodes, il existe des psychologues, des historiens, des sociologues de l’éducation et, bien entendu, des philosophes de l’éducation. C’est dire qu’il était tout à fait possible de rester philosophe en sciences de l’éducation.
Et je m’arrête un instant sur ce moment historique, parce qu’il contient une partie de la réponse à la question sur mon glissement de la philosophie à la sociologie. G. Fontbonne écrit encore :
Nommés pour assurer des enseignements de « psychopédagogie », nos jeunes professeurs durent assumer des heures de cours consacrées aux pratiques enseignantes, destinées à de futurs instituteurs. Face à cette situation où Kant, Descartes et Platon n’étaient pas d’une grande utilité, il fallut improviser, « bricoler » et s’appuyer sur des auteurs offrant un regard plus actuel et des propos moins abstraits sur l’éducation et la pédagogie que les classiques du programme de l’agrégation. Contraints d’enseigner des matières auxquelles, selon les propos confiés par Bernard Charlot lors d’un entretien biographique « ils ne connaissaient rien », ces professeurs durent se faire apprentis et opérer une conversion urgente à la pédagogie. Certains, n’y voyant pas un grand intérêt, réalisèrent tout de même des carrières ordinaires de philosophes, tandis que d’autres en vinrent à fortement infléchir leur trajectoire d’enseignant.
Et il esquisse une typologie des devenirs en identifiant deux pôles (avec une sorte de continuum entre les deux) :
Le premier s’apparente à un investissement en direction des questions pédagogiques impliquant une rupture assez nette avec une formation philosophique de base.
Il me semble que, par exemple, la position de Marguerite Altet illustre bien ce « pôle ».
Le second [pôle s’apparente] à la conservation d’une posture de philosophe examinant un objet : l’éducation.
Il me semble que la position des fondateurs du Télémaque, puis de la Sofphied, incarne bien ce pôle pour ce qui concerne un ancrage épistémologique en philosophie. Et l’on peut faire la même observation en histoire de l’éducation avec les travaux de Claude Lelièvre, Anne Marie Chartier ou Pierre Kahn… puis la création de l’Atrhe « Association transdisciplinaire pour les recherches historiques sur l'éducation »), ou encore pour l’anthropologie historique de Gorges Vigarello.
II. Quelques mots à propos du "regard théorique" que je jette sur ma trajectoire, dans cette communication
Un néologisme, importé de la langue anglaise, et plus précisément de la psychologie d’Albert Bandura, a un certain succès actuellement : l’agentivité :
À partir des années 70, Bandura commence à héberger l’ensemble de son travail théorique sous la bannière de l’agentivité, cette capacité humaine à influer intentionnellement sur le cours de sa vie et de ses actions (Carré, 2004).
Ce n’est pas ce type de lecture des itinéraires sociaux, que font les outils conceptuels de la sociologie. Dans mon mémoire pour l’Hdr, j’ai même écrit ceci pour analyser mon itinéraire, en plagiant la sociologue Francine Muel-Dreyfus (Muel-Dreyfus, 1983), dans son analyse de la trajectoire des instituteurs et leur identification à ce métier :
Je dirais même qu'il y avait de surcroît comme une harmonie entre les caractéristiques sociales de ma trajectoire et les attentes objectives du métier de professeur de philosophie dans l'enseignement secondaire (Peyronie, 2000, p. 36).
J’entends par là une position sociale portée par une trajectoire familiale de progression sur trois générations (paysans, instituteurs, professeur du secondaire) :
C'est une trajectoire sociale, dans l'école et par l'école, que connaissait la mythologie républicaine avant même la sociologie (ibid.,).
Une trajectoire qui réduit les effets douloureux que connaît le transfuge de classe. Je pense ici à Rose-Marie Lagrave avec son auto-biographie récente : « Se ressaisir. Enquête autobiographique d’un transfuge de classe féministe » ; et bien sûr à plusieurs ouvrages d’Annie Ernaux, ou encore d’Édouard Louis, ou bien encore – bien qu’il n’ait pas revendiqué le statut de transfuge de classe – à Albert Camus.
Pour ce qui me concerne, d’une part, la « proximité-distante » de la génération de mes parents, avec les classes populaires, par leur accès au métier d’instituteur et à la petite classe moyenne, a autorisé l’accès au statut de professeur agrégé de l’enseignement secondaire. D’autre part la transmission inter-générationnelle de l’habitus professionnel et de l’éthos de classe de mes parents instituteurs a induit une « disposition » (comme le dit encore Pierre Bourdieu), c’est-à-dire une « manière d’être, en particulier une prédisposition, une tendance, une propension ou une inclination » au statut de professeur de philosophie7 .
Cependant, une autre notion transposée, elle aussi de la psychologie de langue anglaise, pourrait s’avérer utile pour décrire plusieurs aspects de mon itinéraire ; en particulier dans l’acception qu’en a retenue, en psychologie, Anne Ancelin Schutzenberger avec la notion de "sérendipité active" (indépendamment de ses extrapolations du côté la psychogénéalogie…) :
Savoir saisir, pour soi-même ou pour autrui, ce qui survient comme par la chance d’un hasard heureux, c’est faire l’expérience de la « sérendipité » (Ancelin Schutzenberger, 2009).
Cette double orientation théorique m’a peut-être poussé à trop réfléchir et à prendre des notes pour cette intervention, dans l’ordre de l’autobiographie. Je m’en suis rendu compte à la relecture de ces notes. Je m’en excuse.
À moins que ce soit mes notes biographiques qui aient induit la revendication de cette double orientation théorique a posteriori ?
III. Mon premier changement de trajectoire : la classe de terminale
Mon entrée comme élève du secondaire (en 1956) se situe une dizaine d’années avant la démocratisation de l’accès à l’enseignement secondaire. J’ai donc passé l’examen d’entrée en 6e. Et je suis entré comme "interne"dans le grand lycée de Rouen, le lycée Corneille, héritier de l’ancien collège de jésuites (comme l’étaient beaucoup de lycées de garçons de centres-villes de cette époque). Mon frère aîné m’y précédait de trois années. Ce lycée possédait des classes préparatoires scientifiques, mais pas de classes préparatoires littéraires. Cela tombait bien puisque, dans ma famille, on me voyait comme doué en mathématiques et donc me dirigeant vers cette discipline culturellement légitime aux yeux de mes parents, voire discipline "souveraine" elle aussi à leurs yeux, et de surcroît discipline porteuse de la promesse d’une bonne insertion professionnelle.
En fait, j’étais « assez bon en mathématiques », mais j’étais fâché avec les sciences physiques ; j’étais « assez bon en mathématiques », mais pas d’une excellence me permettant de survivre en « mathématiques supérieures ("math.sup", "hypotaupe") », tant la seule visée de cette section concernait la sélection et la formation d’une élite.
Et puis j’étais intéressé par l’économie, les sciences politiques et la politique, la géographie humaine, la littérature (négociant avec le censeur des études des autorisations de sortie pour assister à des conférences dans ces domaines).
Dans mon mémoire pour l’Hdr j’ai écrit que dans les quatre heures « d’étude » quotidiennes, la lecture de la presse était interdite, mais qu’il était possible parfois d’emprunter à quelques surveillants de service leur journal (le Monde, France Observateur, France Nouvelle, et une petite feuille – publiée avec la caution de Jean-Paul Sartre, je crois – qui militait contre la guerre coloniale française en Algérie). Dans ce mémoire j’ai écrit :
J'ai encore le souvenir de la fureur d’un camarade d’internat algérien après le massacre de plusieurs centaines d'Algériens de Paris (et le silence de la presse) ; c'était le 17 octobre 1961 (ibid.,).
Pendant l’été 1962, j’ai annoncé à mes parents que je voulais m’inscrire dans une terminale « philosophie » et non pas « mathématiques élémentaires », ni « sciences expérimentales ».
Il n’y avait plus de place en « philo » au lycée de garçon, et il y avait une petite dizaine de garçons en attente d’un accueil dans une classe de cette spécialité. C’est au grand lycée de filles, le lycée Jeanne d’Arc, que les institutions concernées ont bricolé dans l’urgence la création d’une classe de philo, scolarisant cette dizaine de lycéens garçons dans un lycée de 1500 filles. Nous sommes en 1962-1963. Il se trouve que quatre ans plus tôt, en 1958, Annie Duchêne quitte le pensionnat Saint-Michel d’Yvetot, où elle a suivi jusqu’alors ses études secondaires, pour « faire sa terminale » dans ce lycée Jeanne d’Arc de Rouen. Sans doute connaît-on mieux Annie Duchêne sous son nom d’Annie Ernaux… Au lycée Jeanne d’Arc de Rouen, elle n’est pas plus à l’aise parmi les filles de la bourgeoisie rouennaise que parmi les filles de la petite-bourgeoise du chef-lieu de canton rural d’Yvetot :
Elle se sent immergée dans une atmosphère de supériorité impalpable qui l’intimide, supériorité que, tout en l’acceptant comme naturelle, elle mettra vite en relation avec la profession des parents (préfet, médecins, pharmaciens, intendante d’École normale, professeurs, instituteurs) et avec leur résidence dans les beaux quartiers de Rouen. […] Elle est spectatrice des autres […] Étrangère, comme le roman de Camus qu’elle lit en octobre (Ernaux, 2016, pp. 92-94).
Mais elle admire la compétence des jeunes professeures, ainsi que leur attitude « libérale » qui tourne le dos à la pratique du strict contrôle des attitudes et des comportements qui caractérisait l’institution scolaire religieuse antérieure :
À la surveillance protubérante des religieuses a fait place l’indifférence de professeurs plutôt jeunes, élégantes, dont la compétence évidente l’éblouit autant qu’elle l’inquiète sur sa possibilité de suivre (ibid.,).
J’aurais pu écrire le même constat de « la compétence évidente qui éblouit » de professeurs au lycée de garçons. Mais non seulement ceux-ci ne pratiquaient pas non plus « le contrôle des attitudes et des comportements », mais ils traitaient parfois (en histoire et géographie en particulier) les meilleurs de leurs élèves comme des étudiants, leur prêtant des livres et leur recommandant des conférences en ville pour ouvrir des perspectives au-delà du cours ; et non pas comme des gamins des petites classes, à la différence de ce qu’une partie des professeurs du lycée de filles avait tendance à faire. J’aurais aimé travailler avec Nicole Mosconi, sur cette discordance dans les ambitions en matière de savoir scolaire ; nous l’avons évoquée, nous ne sommes pas allés au-delà.
Quant à « l’atmosphère de supériorité impalpable qui l’intimide », qu’évoque Annie Ernaux je la ressentais assez peu : j’étais resté interne au lycée de garçons toute cette année, et – comme l’a souligné le sociologue Jacques Testanière – à la différence des externes, les internes de ces grands lycées bourgeois étaient souvent issus des petites classes moyennes rurales : le grand lycée bourgeois ouvrait ses portes aux très bons élèves des écoles rurales du Pays de Caux et du Pays de Bray. Et ma vie sociale se situait dans ce lycée de garçons où j’étais resté interne : au lycée de filles, nous étions même séparés de celles-ci pendant les récréations, et interdits d’être assis côte à côte en classe ; je crois même me souvenir que nous ne partagions pas l’accès au réfectoire !
Pourquoi ce lycée bénéficiait-il de jeunes professeures brillantes « dont la compétence évidente éblouit [Annie Duchêne] » ? C’est qu’on est encore l’époque où les têtes des concours de l’agrégation sont souvent nommées dans des lycées normands, sorte de salle d’attente avant l’obtention d’un poste dans un lycée parisien ou d’Île-de-France, ou encore dans une université.
Ainsi, dans La Force de l’âge [1960], Simone de Beauvoir évoquait-elle une situation d’avant-guerre (du milieu des années trente) : elle-même, professeure dans ce grand lycée de filles de Rouen, est convoquée à Caen pour le jury de baccalauréat. Elle s’y ennuie. Elle attribue la moyenne à tous les candidats… Elle meuble ses temps de loisir :
Un après-midi, je canotai sur l’Orne avec des collègues : ce fut morne. Aron, qui avait remplacé Sartre au Havre, faisait partie du jury et nous dînâmes ensemble, assez plaisamment. Je rencontrai aussi Politzer, alors professeur à Évreux (de Beauvoir, 1960, p. 198).
Simone de Beauvoir, Sartre, Aron, Politzer tous professeurs de philosophie en terminale, en Normandie… Chanceux lycéens de cette génération ! Je n’ai pas eu la chance d’avoir un ou une professeur de cette envergure. La classe de ma terminale avait été bricolée dans l’urgence, et de surcroît la professeure de philosophie titulaire espérée (une femme d’origine russe, féministe, qui dans le trimestre où elle a repris ses cours, nous fit étudier – entre autres – des textes de Rosa Luxembourg), fut en congé pendant deux trimestres…Sa remplaçante m’a sans doute aidé à quelque chose comme la déconstruction de représentations idéologiques banales ; mais sans me donner les outils pour « un équipement intellectuel critique qui permettrait de briser les apparences et d’avoir prise sur le mouvement des sociétés. », en empruntant cette formule à Georges Balandier (Balandier, 1997, pp. 404-405). Je dois en partie à cette carence l’envie de prolonger les études de philosophie et de sciences humaines afin d’y voir plus clair…
Je quitte Rouen, où il n’y a pas alors d’Université (seulement un collège universitaire), pour Caen, avec l’intention de me présenter au concours des Ipes8 en philosophie (comme l’a fait avant moi mon frère aîné, en Lettres, afin de réduire le poids de nos études trop lourd pour le budget familial). et donc je m’engage vers un statut professionnel d’enseignement de la philosophie.
Je suis reçu à ce concours (1964). Je l’apprends en Algérie où, répondant à une proposition de l’Unef9 , je donne un coup de main pour aider à se préparer à la 2e session du baccalauréat des jeunes – et de moins jeunes – dont la scolarité n'avait été que partielle pendant la guerre de libération nationale. L’Algérie, alors proclamée « auto-gestionnaire » incarne pour moi, à cette époque, la victoire du mouvement de décolonisation. Car ce qui me mobilise vraiment, c’est – selon la formule de Claude Lefort – : « prendre en charge les questions qui sourdent de l’expérience de notre temps » (Lefort, 1986, p. 7).
C’est sous la direction de celui-ci (qui vient tout juste d’être nommé à Caen) que j’élabore et soutiens mon mémoire de Des [Diplôme d’études supérieures] (en 1967), dont l'ambition – démesurée – était d’identifier un "statut philosophique du signe" après la vague "structuraliste" des sciences humaines : ici la linguistique des premières décennies, d’une part, et la psychanalyse freudienne à travers un travail sur L’Homme aux loups, d’autre part.
J’obtiens alors ce qu’on appelait une "4e année d’Ipes" pour préparer l’agrégation… à condition que je quitte l’Université de Caen, pour celle de Rennes. Je dois à la vérité de dire que, malgré mes protestations véhémentes de l’époque, cet « exil » à Rennes m’a permis de réussir le concours de l’agrégation. Mais cette année-là est aussi celle du mouvement social et culturel de 1968. Et à Caen, autour de Claude Lefort [co-fondateur avec C. Castoriadis du groupe Socialisme ou barbarie en 1949], se constitue un petit groupe militant, dont fait partie Marcel Gauchet (étudiant de la promotion d’un an après la mienne). Si j’étais resté à Caen, il est probable que je n’aurais pas été reçu à l’agrégation, mais il est vraisemblable que j’aurais fait partie de ce petit groupe et que ma trajectoire aurait été sensiblement différente.
En 1968-1969, j’enseigne – avec grand plaisir – la philosophie en terminale, et la philosophie et la littérature en classe préparatoire scientifique ; mais ce dernier cours, avec moins de plaisir, tellement les élèves sont strictement accaparés par leur progression en mathématiques. Ce qui me donne à penser, alors, que j’ai eu raison de ne pas chercher à entrer dans cette filière en tant que lycéen… surtout quand un élève de terminale qui a entendu, depuis le couloir, quelques bribes de mon cours de "math.-sup." sur Brecht, me réclame de faire le même cours pour sa classe – ce qui me rassure sur l’attractivité de ce cours littéraire.
IV. Le départ pour le Cambodge
En 1969, je dois accomplir un « service national ». En accord avec ma compagne, j’obtiens de partir (en sa compagnie), pendant deux années, au Cambodge, pour enseigner la philosophie européenne et les sciences humaines à l’Université royale de Phnom Penh. Le Cambodge est le pays de Norodom Sihanouk, co-fondateur du mouvement international des « non-alignés », dans cette époque où la guerre froide est au cœur des enjeux géopolitiques mondiaux.
Mais nous sommes en pleine guerre américaine au Vietnam, et Richard Nixon réélu en janvier 1969 ne trouve rien de mieux pour trouver une issue à cette guerre, que d’élargir officiellement celle-ci au Laos et au Cambodge, et donc d’y augmenter massivement les bombardements. En outre, 1970 est l’année du coup d’État contre Norodom Sihanouk, chef politique largement consensuel du Cambodge depuis l’indépendance de ce pays au début des années 1950. Nous assistons avec tristesse à la résurgence de la barbarie quand, pour s’acheter le soutien populaire qui lui fait défaut, le nouveau gouvernement pro-américain impulse des pogroms (massacre et pillage) contre la communauté vietnamienne du Cambodge10 . Le « prendre en charge les questions qui sourdent de l’expérience de notre temps » résonne dans cette actualité.
Ce séjour au Cambodge, c’est aussi le choix de « l’immersion dans l’altérité culturelle ». J’y prends plaisir. Mais, pour introduire des petits éléments d’intelligibilité dans le décryptage de cette altérité, l’histoire (dans ses diverses orientations), la géographie sociale et économique, un peu la sociologie (plutôt l’anthropologie) me sont d’un plus grand secours que la philosophie.
D’autant que l’enseignement de la philosophie européenne, à l’Université, s’avère pour moi (comme pour mes deux remarquables collègues) être une tâche d’une difficulté redoutable, tellement les univers théoriques de nos étudiants et les nôtres sont incompatibles.
Au point que nous décidons de ne pas prolonger ce séjour au Cambodge au-delà des deux années contractuelles. La commission paritaire me nomme sur un poste de « psycho-pédagogie » à l’École normale d’instituteurs de Caen. Je refuse ce poste, au titre que je ne suis pas compétent en pédagogie et que je veux enseigner la philosophie. Une négociation aboutit à ce qu’on me confie les classes de préparation au Baccalauréat.
Là encore, en 1971-1972, j’enseignerai la philosophie avec grand plaisir, à des élèves d’abord soucieux de réussir au baccalauréat certes, mais aussi mis en éveil par des cours d’histoire, de lettres et de philosophie dans lesquels ils trouvent des échos à leurs questionnements, aux marges (où à l’extérieur) de ce que l’institution anomique de l’école normale tente en vain d’imposer.
Mais malgré ce retour en France, je ne romps pas avec l’attractivité des deux années d’étrangeté culturelle au Cambodge. Et je soumets un projet de thèse en anthropologie à Georges Condominas (à l’éphé11 ), l’ethnologue des minorités des hauts plateaux indochinois, l’auteur de Nous avons mangé la forêt, qui accepte mon projet. (Condominas, 1974)
Au bout d’une année de séminaire hebdomadaire avec des trajets Caen-Paris, des tâches professionnelles absorbantes à l’École normale, et sans possibilité de retour sur le terrain (de 1970 à 1975) seule Phnom Penh est accessible au Cambodge, avant que le pays tout entier ne se ferme au monde de 1975 à 1979) : j’abandonne ce projet.
V. Être professeur de philosophie ou de psycho-pédagogie
Séduit par le fonctionnement de l’enseignement de la philosophie dans les classes de terminale et par le sérieux de mes collègues et par celui des « élèves-maîtres » dans l’année de terminale, je fais alors le choix de demeurer en École normale. Après tout, dans la déclinaison de la psycho-pédagogie, cette discipline recouvrait « la philosophie de l’éducation, la psychologie de l’enfant, et l’anthropologie sociale » ; et cette dernière appellation, retenue faute de mieux par l’Inspection générale, ne désignait pas une discipline précise ; elle pouvait être entendue comme une carte blanche dans des enseignements de sciences humaines et sociales.
Par ailleurs, il m’est possible de bénéficier d’une sorte de semestre sabbatique sous forme d’un stage d’un semestre d’adaptation aux nouvelles tâches en École normale. Il s’agit d’un dispositif de formation impulsé par Francine Best, pédagogue et philosophe, directrice de l’École normale de filles, qui délocalise à Caen, le stage national dont on lui a confié la responsabilité précédemment à Saint-Cloud.
J’y découvre la discipline universitaire des sciences de l’éducation créée à Caen cinq ou six ans plus tôt en 1967. J’y connais la plupart de ses enseignants-chercheurs pour les avoir côtoyés dans le certificat de Psychologie, quand j’étais étudiant de licence, et avant tout Gaston Mialaret en poste à l’Université de Caen depuis 1953 pour y développer l’enseignement de la psychologie et y créer le cursus de la licence, et cofondateur de la discipline universitaire des sciences de l’éducation en 1967 ; mais aussi Jean Guglielmi plus au fait des stratégies de formation des adultes, et le psychologue Jean Drévillon, bien qu’il soit resté professeur en psychologie, où il a pris la succession de G. Mialaret à la tête du département.
À cette époque, les Presses Universitaires de France ont entrepris de publier un Traité des sciences pédagogiques, qui s’incarnera en huit volumes, sous la direction de M. Debesse et G. Mialaret. Ces deux universitaires écrivent, avec le Suisse R. Dottrens, une grande partie du premier volume intitulé « Introduction ». Mais ce premier volume contient aussi un long texte (40 pages), intitulé « Pour une philosophie de l’éducation » écrit par Francine Best et Raphaël Lévêque, le principal professeur de l’Institut de philosophie quand j’y étais étudiant (Best, Lévêque, 1969). C’est un texte subtil ; mais je dois à la vérité de dire, qu’à le relire en vue de cet exposé, une cinquantaine d’années plus tard, je ne vois toujours pas comment il peut étayer une pratique de formation d’enseignants (sauf peut-être des enseignants de philosophie ?).
Cependant R. Lévêque, G. Mialaret et F. Best constituent pour moi un univers familier ; et cela me rassure quelque peu quant à la nature de la tâche professionnelle à venir. Car pour ce qui concerne l’enseignement et la formation des élèves-maîtres pendant leurs deux années de « formation professionnelle », il faut inventer des contenus d’enseignement pour des adolescents, parfois aigris par les contraintes de leur devenir professionnel et leur devenir social, et qui vivent dans un établissement encore non mixte qui n’est pas sans rappeler l’atmosphère de chambrée d’un collectif d’hommes du temps du service militaire obligatoire. Mais le collectif de femmes peut s’avérer aussi peu attractif : quelques années plus tôt, après son année de terminale, Annie Ernaux fuit, au bout d’un seul semestre, l’École normale de filles de Rouen où elle a le sentiment de s’être fourvoyée ; bien que – pour la première fois – elle se trouve de plain-pied avec le milieu social d’origine de ses condisciples (c’est moi qui formule cette dernière observation).
Les philosophes classiques (Platon, Aristote, Descartes, Kant, Rousseau) constituent – sauf détour astucieux – des corpus très difficiles, voire impossibles, à mobiliser. Les philosophes contemporains français et étrangers (Arendt, Foucault, Deleuze…), je ne les connais pas assez… Et quand je les connais, il y faut un peu de ruse stratégique pour accrocher l’attention de ces grands adolescents souvent renfrognés.
Un exemple : l’historien Jean Claude Perrot a réalisé une thèse de doctorat très remarquable : Genèse d'une ville moderne : Caen au XVIIIe siècle [publiée en 1975]. C’est partiellement une hypothèse foucaldienne qui court derrière son interprétation des données empiriques. Travailler sur l’hôpital du Bon sauveur, ou sur la conception de la prison de la Maladrerie, à Caen, permet d’approcher le modèle théorique sous-jacent chez J.-C. Perrot.
Plus généralement, les auteurs qu’il est possible de mobiliser, ce sont quelques sociologues (Bourdieu et Passeron, Baudelot et Establet, Vincent de Gaulejac…) ; des historiens de l’éducation (Antoine Prost, Mona Ozouf) ; des anthropologues (Lévi-Strauss) ; des psychologues et des psychanalystes (Freud, Wallon, Piaget) ; ainsi que des écrits de chercheurs en pédagogie, comme les publications de recherche des chercheurs du Cresas12 ; ou encore les écrits restituant des pratiques des fondateurs de la pédagogie : essentiellement Freinet…
Il faut dire que je me suis un peu formé à la pédagogie Freinet dans le groupe local du mouvement Freinet :
À partir du milieu des années soixante-dix (et plus encore à partir de la préparation du Congrès de 1979, tenu à l'Université de Caen), j'ai été impliqué dans les activités du groupe du Calvados de l'École moderne ; cette implication a été une des façons de trouver des matériaux pour construire une professionnalité de formateur d'instituteurs : des matériaux qui soient "signifiants" ailleurs que dans la convention de pratiques scolaires maladroitement travaillées par le courant de la "rénovation pédagogique". J'y ai appris des choses sur les pratiques de classes dans une option de pédagogie coopérative. J'y ai appris aussi beaucoup de choses sur la vie - au quotidien - d'un mouvement pédagogique autogéré ainsi que sur la différence entre les relations professionnelles (inter-personnelles et de groupe) dans l'institution scolaire officielle d'une part et au sein d'un réseau militant d'autre part. (Peyronie, 2000, pp. 74-75).
Plus tard j’ai trouvé ma place dans ce mouvement en y produisant des observations et des analyses sociologiques. Mais pour le moment, je bénéficie de l’aura de cette pédagogie quasi-alternative à la forme scolaire dominante auprès de grands adolescents volontiers contestataires.
Je m’insère aussi dans un autre réseau : le Comité de coordination des écoles normales / Média formation qui coordonne les pratiques et les réflexions sur les dispositifs de formation dispositifs appuyés sur les technologies de l’éducation ; je pratique en particulier pour les volontaires, et avec prudence, l’autoscopie en situation professionnelle grâce à la technique nouvelle du magnétoscope (Mottet, 1997).
La formation continue des instituteurs, qui se met en place au début des années 1970, m’invite à l’innovation dans l’ordre de la formation des adultes. J’y trouve de grands moments de satisfaction, par exemple avec des travaux sur les relations de groupe et les relations interpersonnelles, mais sans véritable appui sur la philosophie de l’éducation. Ou encore dans des stages plus courts organisés autour d’enjeux pédagogiques : la presse à l’école, l’école maternelle à 2 ans ?, ou bien des stages ouverts à des instituteurs intéressés à se former en pédagogie coopérative, c’est-à-dire essentiellement en pédagogie Freinet (mais ce nom ne devait pas être mentionné dans la présentation du projet de stage, sous peine que celui-ci ne soit pas accepté par les autorités académiques…).
Mais, sur le fond, au tournant des années 1970-1980 l’institution "école normale d’instituteurs" est en crise.
Entre 1969 et 1985, les écoles normales ont vécu une véritable mue. À la fin des années 1960, elles recrutaient encore de jeunes adolescents âgés d'une quinzaine d'années, titulaires d'un brevet de premier cycle de l'enseignement secondaire, en situation d'ascension sociale, qui se préparaient à un métier caractérisé par des pratiques stables et perçu favorablement dans l'opinion publique. En quinze ans, l'âge de recrutement passa d'abord à 18-19 ans, puis à plus de 20 ans (parfois même plus de 25 ans). Le niveau scolaire requis pour le concours d'entrée devint le baccalauréat, puis le diplôme de premier cycle universitaire. Pour une majorité d'élèves-instituteurs, l'entrée à l'école normale ne fut plus synonyme d'ascension sociale. En revanche, ce recrutement signifia le plus souvent l'abandon de l’ambition d'études universitaires longues, ou bien – quand ces études avaient été accomplies – la fin de l'attente d'un statut professionnel correspondant à un diplôme de fin de second cycle. (Peyronie, 2009, p. 35).
Signe de cette crise, dans son ouvrage sur la formation des instituteurs, Danielle Zay (Zay, 1988) avait dénombré douze dispositifs de formation différents en sept années, de 1979 à 1985.
Sous le ministère Christian Beullac (ancien directeur général de Renault), entre 1978 et 1981, et sous le gouvernement de Raymond Barre, une centaine de postes de professeur de philosophie/psycho-pédagogie, « 139 professeurs sur 400 environ13 », sont supprimés dans les écoles normales françaises en 1979. La droite giscardienne libérale affiche son hostilité à ce bouillonnement imprévisible qu’est devenu le cours de philosophie en école normale, et ne manifeste pas d’empathie pour – simplement – la philosophie…
Avant le ministre C. Beullac, le ministre R. Haby n’a pas caché son indifférence vis-à-vis de la philosophie ; Joseph Leif, l’Inspecteur général chargé des Écoles normales l’évoquait ainsi :
M. Haby ne semblait pas attacher une importance fondamentale à la philosophie ni à l’enseignement philosophique. Mais peut-on le lui reprocher ? C’est un géographe. Et, de son temps, on n’enseignait pas la philosophie dans les écoles normales dont il a été l’élève. Peut-être la philosophie l’inquiétait-elle, parce que, par nature, c’est une discipline contestataire ; et qu’il est un homme d’ordre, politiquement et moralement (Leif, 1983).
La défiance vis-à-vis de la dimension « contestataire » de la philosophie était partagée par le Doyen de l’inspection générale de philosophie (de 1971 à 1983), Jacques Muglioni : défiance vis-à-vis des sciences humaines, d’une part, et méfiance vis-à-vis de toute réforme susceptible de faire évoluer la forme scolaire, en particulier dans l’enseignement secondaire bousculé par la démocratisation de l’accès au collège. Des colloques nationaux (Sèvres en mai 1981, et en mars 1984)14 et des séminaires ou stages régionaux sont organisés par l’inspection générale et les inspecteurs pédagogiques régionaux, en vue de ce qu’on peut appeler une reprise en main de l’enseignement de la philosophie en école normale.
On se souvient aussi que ces années (en particulier pendant le ministère Haby, semble-t-il) sont des moments de remises en cause de l’enseignement de la philosophie dans les lycées. D’où la création du Greph [Groupe de recherches sur l’enseignement philosophique] (auquel est resté attaché le nom de J. Derrida) et la publication de l'ouvrage collectif d’une vingtaine d’auteurs Qui a peur de la philosophie ? (Greph , 1977).
Enfin, un peu plus tard, une vaste controverse s’installe, dans laquelle les philosophes sont très impliqués par leur dénonciation polémique de ce que certains ont appelé "le pédagogisme". Je reproduis ici quelques lignes d’un article que j’ai publié en 2019 :
Il faut évoquer une autre dimension du contexte scolaire dans ces années 1980 et 1990 : c’est la période du processus de démocratisation de l’accès à l’enseignement des lycées. Ce processus ne va pas sans produire, alors, des effets secondaires rugueux pour la forme scolaire légitime ancienne de cet ordre d’enseignement : l’ouvrage collectif coordonné par François Jacquet-Francillon et Denis Kambouchner a qualifié cette rugosité de « crise de la culture scolaire »‘(Jacquet-Francillon, Kambouchner, 2005). Ce processus a nourri une vague éditoriale anti-pédagogique, souvent extrêmement polémique, en France, autour de 1985 et après, qui visait les réformes officielles à l’école élémentaire, au collège et au lycée, dans leurs efforts pour faire évoluer la forme scolaire en l’adaptant à la nouvelle démographie scolaire. Cette vague éditoriale a contribué à nourrir la résistance aux évolutions, probablement nécessaires, de cette forme scolaire. Des publications polémiques issues d’horizons politiques de droite ont étrangement convergé avec des publications issues d’horizons politiques de gauche ou d’extrême gauche (Milner, 1984) ; ces dernières n’hésitant pas à mobiliser des arguments de la tradition progressiste pour tenter de légitimer ce qu’on pourrait appeler leur « traditionalisme scolaire et pédagogique » (Peyronie, 2019).
Et je fais mien le reproche essentiel fait par Viviane Isambert-Jamati à ces pourfendeurs polémiques du "pédagogisme" : « une pratique très idéologique, totalement en contradiction avec les exigences universitaires minimales en, matière de réflexion ».
Dans un beau texte, au titre en forme d’antiphrase (« Les primaires ces "incapables prétentieux" »), V. Isambert-Jamati, s’était engagée contre cette littérature pamphlétaire anti-pédagogique : elle dénonçait une pratique rhétorique polémique pratiquant « l’analyse indifférenciée et recourant à l'amalgame » pour rendre compte des positions dénoncées ; une pratique très idéologique, totalement en contradiction avec les exigences universitaires minimales en matière de réflexion, ajoutait-elle (Isambert-Jamati, 1985).
Je ne fais ici que citer les personnalités, enseignants de philosophie ou philosophes, évoqués par Pierre Kahn dans l’article « La critique du “pédagogisme” ou l’invention du discours de l’autre » (Kahn, 2006) : Bernard Bourgeois (1984) auteur de nouvelles traductions de Hegel et « notable » institutionnel. Catherine Kintzler (1984) spécialiste de l’esthétique et de la laïcité. Charles Coutel (1991) qui a été président de l'Association des professeurs de philosophie de l'enseignement public. Henri Peña-Ruiz (1991) qui soutient une thèse sous la direction de B. Bourgeois. Et bien sûr Alain Finkielkraut et Régis Debray.
S’il faut désigner un moment de rupture dans ma trajectoire avec la corporation des professeurs de philosophie, c’est dans cet épisode de controverse parfois affligeante. L’ouvrage collectif coordonné par F. Jacquet-Francillon et D. Kambouchner, « La Crise de la culture scolaire » [op. cit.] me semble avoir fait le point sur cette question.
…Même si les travaux des sociologues français de l’éducation n’avaient pas – trop souvent – des positions de principe quant à la dénonciation des effets socialement différentiels des « innovations scolaires », sur fond de background marxisant. On peut penser que ces positions rejoignaient – avec d’autres argumentations – la controverse impulsée par les philosophes et plus généralement les intellectuels attachés aux formes académiques de la culture ; et comme le suggère, sous forme de question, le titre de l’article de 2019 que je viens de citer : « Être sociologue de l’éducation et militant pour une pédagogie nouvelle et populaire : [ne fut-il pas] une impossibilité théorique pour la sociologie française de l’éducation dominante dans les années 1980 et 1990 ? ».
VI. 1975-1976 Nouvelle immersion dans l’altérité : une année de stage dans l’usine sidérurgique de la banlieue caennaise : Un professeur de philo à l’usine
Il faut dire quelques mots de cette autre plongée dans l’altérité sociale et culturelle : une année dans l’usine sidérurgique installée dans la banlieue de Caen depuis la Première Guerre mondiale (et qui a survécu jusqu’en 1993). Après la crise de 1968, puis le référendum constitutionnel de 1969, Georges Pompidou est élu président de la République. Il nomme Premier ministre un « gaulliste social », Jacques Chaban-Delmas. L’une des réformes les plus importantes de ce gouvernement, sous l’impulsion de Jacques Delors (conseiller auprès du Premier ministre), est l’institutionnalisation de la formation continue : l’instauration d’un droit à la formation professionnelle permanente sur le temps de travail et la prise en charge du coût de cette formation au sein des entreprises15 , qui rompt partiellement avec la progression professionnelle des salariés grâce aux seuls « cours du soir » comme ceux du Cnam.
C’est dans ce contexte que s’échafaude l’idée de permettre à des enseignants de partir pour une année dans une entreprise ou une grande administration, ou un hôpital. L’objectif principal était de faire se confronter l’identité professionnelle des acteurs de l’institution scolaire et la culture d’entreprise, par une sorte « d’acculturation planifiée »16 . Ces stages ont existé de 1971 à 1976 ; ils ont disparu sous le ministère Haby.
Je pense qu’on peut parler d’une vraie réussite de ce dispositif ; mais – majoritairement – il ne fut pas une réussite quant aux effets escomptés par ses promoteurs : en effet, le plus souvent ces stages ont nourri la curiosité critique des stagiaires quant « au monde du travail ».
Pour ce qui me concerne, dans cette usine sidérurgique, on imagina deux tâches « correspondant à mes compétences » : d’une part le dépouillement d’une enquête conduite auprès des 5.500 salariés de l’usine sur leurs attentes en matière de formation continue (les élus syndicaux ne voulaient pas que cette tâche soit confiée à quelqu’un proche de la direction) ; d’autre part la rénovation du livret d’accueil des nouveaux embauchés (plus particulièrement pour ce qui concernait la sécurité).
Après de longues négociations, je parvins à faire entendre que pour réaliser ces tâches, il me fallait connaître l’usine dans sa diversité, et j’obtiens le feu vert pour un semestre de « stage ouvrier » (qui me conduisit sur le port annexé à l’usine, dans l’équipe « cour » des hauts-fourneaux, puis dans l’atelier des « billettes » aux laminoirs).
J’ai rendu compte de cette année dans l’ouvrage Un Professeur de philo à l’usine (Peyronie, 1980), et j’y suis revenu avec un regard nourri de 20 années de recul, dans le chapitre « L’école et le monde du travail » de mon mémoire d’Hdr (op. cit.). Et si j’en ai fait une analyse critique, j’ai aussi souligné le grand intérêt de ce dispositif, que j’ai opposé au dispositif expérimenté par le ministre Ch. Beullac en 1979 : d’un côté un stage long, en formation continue, sur la base du volontariat, et avec une impossibilité de « tricher » avec l’immersion dans cette sorte d’altérité culturelle ; de l’autre côté un dispositif de stages courts (d’une durée inversement proportionnelle au statut des enseignants concernés !), un dispositif obligatoire en formation initiale vécu comme une sorte de brimade, dans laquelle l’énergie des stagiaires fut mobilisée dans des stratégies du faire-semblant, quant à la rencontre avec « le monde de l’entreprise » et plus encore avec « le monde du travail » :
Nous étions dans une logique du logo (au sens des logotypes : ces combinaisons graphiques de lettres en signes qui fixent l'image d'une institution), et non dans une logique traditionnelle scolaire et universitaire du logos (d'analyse, d'information et de discours rationnels).
À l’inverse, dans « mon voyage en sidérurgie » d’une année :
- Mon intérêt pour le monde économique et social a probablement été renforcé.
- J'ai "tissé des liens personnels et durables" avec des personnels de l'entreprise (pas avec les personnels escomptés, les cadres, mais avec des techniciens et des ouvriers, militants syndicaux) ; et au moment de la fermeture de l'usine, en 1993, j'ai ressenti quelque chose comme un sentiment d'appartenance à la communauté des sidérurgistes17 .
- Je conserve une représentation infiniment plus riche, qu'auparavant, de la vie quotidienne d'une grande entreprise. Cette représentation est un peu paradoxale : elle a renforcé mon approche critique des modes dominants de la gestion économique et sociale, en la nourrissant d'informations "concrètes" ; mais elle me fait refuser des critiques péremptoires non informées. À de telles critiques, je préfère des analyses enracinées dans l'une ou l'autre des cultures d'entreprise : dans la culture des hommes de la production, de l'entretien ou de la conception technique bien sûr, et même - quand elles témoignent d'une richesse humaine, comme il n'est pas rare dans la tradition sidérurgique - dans la culture de l'encadrement ; des cultures qui s'opposent, et parfois se combattent, mais des cultures qui sont riches
- Enfin : On pourrait dire que l'expérience première du "professeur de philo à l'usine" a enrichi, comme des « défluents »18 , les analyses sociologiques postérieures.
VII. En 1984, je suis recruté comme maître-assistant en sciences de l’éducation
À cette époque, il était encore possible d’être recruté comme enseignant-chercheur en université (en tant qu’assistant ou maître-assistant), avec le statut d’agrégé, sans avoir soutenu de thèse de doctorat. J’avais alors un double cursus : en philosophie jusqu’au Des et l’agrégation, et en sciences de l’éducation depuis la licence jusqu’au Dea (je crois qu’avec Nicole Mosconi nous sommes les seuls à avoir eu ce double cursus…). L’agrégation, plus trois rapports de recherche et mon texte sur l’année en sidérurgie (publié chez Casterman en 1980) m’ont permis d’être recruté en 1984 comme maître-assistant.
Mais je ne voulais pas réaliser une thèse sur le modèle de la psycho-pédagogie expérimentale auquel se rattachait G. Mialaret, et antérieurement au Belge Raymond Buyse (Buyse, 1930). Je ne soutiendrai une thèse, d’orientation sociologique (sur les instituteurs…) qu’en 1996 (Peyronie, 1998) et une Hdr en 1997 (Peyronie, 2000).
Mon domaine de recherche est devenu clairement la sociologie de l’éducation… même si dans certaines représentations je suis encore professeur de philosophie.
Pour conclure
Au terme de cette mini-autobiographie professionnelle, il me paraît que mon vrai choix d’orientation intellectuelle a été, selon la formule de C. Lefort que j’ai déjà citée : « prendre en charge les questions qui sourdent de l’expérience de notre temps ».
À la sortie de la classe de terminale, dans ce que je connaissais des études supérieures – et qui venait de mon expérience de lycéen –, il n’y avait guère que le cursus de philosophie qui réponde à cette attente. Je ne connaissais pas l’école de "Sciences Po.", ni l’Orstom [l’Office de la recherche scientifique et technique outre-mer, devenu Afd], ni l’École pratique des hautes études, et j’imaginais encore moins des débouchés professionnels liés à de telles études. Aurais-je connu ces cursus d’études qu’ils eussent été inaccessibles pour des raisons financières.
Il est vrai que, pendant l’année de propédeutique j’ai suivi en outre des cours de la première année des sciences économiques. Mais il n’y avait pas encore de filière économie/sociologie dans les lycées ; et donc pas de statut professionnel possible dans l’ordre de l’enseignement.
Je me suis éloigné institutionnellement de la philosophie. Je me suis inscrit dans la dynamique de la sociologie de l’éducation parce que je me reconnaissais dans ses problématiques, et que ses méthodologies de recherche sur les terrains scolaires m’ont paru légitimes. Et puis quand le livre Les Héritiers. Les étudiants et la culture, de P. Bourdieu et J.-C. Passeron, paraît – en 1964 –, quelques mois avant le moment où, en tant qu’étudiant, on va préparer le certificat de licence de « morale et sociologie », ce livre et son modèle d’analyse ne deviennent-ils pas une référence intellectuelle, un amer, voire quelque chose comme « un horizon indépassable » ?
J’ai compensé la « distanciation » du chercheur en sciences humaines, par la pratique de l’immersion (existentielle ?) dans des situations d’altérité culturelle (l’Algérie, le Cambodge – plus tard le Vietnam, l’usine sidérurgique, devrais-je ajouter le monde universitaire ?).
Dans le cadre de cette communication, j’ai tenté d’identifier les traces essentielles de ma formation en philosophie dans ma « reconversion intellectuelle » ; je cite ici cet inventaire, probablement maladroit.
La lecture et la confrontation avec de grands textes « intemporels » (puis-je glisser ici que je suis triste de l’obsolescence rapide des publications universitaires en sciences de l’éducation, et plus généralement en sciences humaines, quant à leur durée ?).
L’importance de la formation dans la multiplicité des humanités : littérature, histoire, géographie humaine et sociale, et la pratique du croisement entre ces différents regards dans les démarches de recherche en sciences humaines (quelle que soit la méthodologie).
L’écriture, non pas comme un outil de restitution plate d’une démarche qui la dépasse, mais l’écriture consubstantielle à la démarche : à tous les stades du processus de recherche et en particulier dans la restitution des « résultats ».
La familiarité avec les relations dialectiques, voire les contradictions, dans les objets analysés et restitués par l’écriture.
Dans les textes que je publie, je cite rarement les philosophes, je cite des sociologues et des historiens ; mais ma culture philosophique est présente « à bas bruit » dans ces écrits… Et j’admire beaucoup comment Mona Ozouf, philosophe de formation, a su se faire historienne des institutions et des politiques scolaires, ainsi qu’historienne de la littérature, sans renier sa culture philosophique… D’où cette rencontre et cette publication imaginées et organisées par Alain Vergnioux en 2002 : « Entretien de Mona Ozouf » paru dans Le Télémaque (Vergnioux, Peyronie, 2005).
Votre question m’amène à me demander pourquoi il y a cet intérêt pour la transmission dans ce que j’ai fait. La préface de L’École de la France (1984) avait été inspirée par l’idée de réunir des curiosités qui paraissaient disparates et de remettre un peu d’ordre dans un itinéraire assez bizarre puisque j’ai aussi fait de la philosophie. Par ailleurs, j’ai toujours eu parmi les historiens une position un peu latérale qui s’aggrave avec mes derniers livres qui portent sur la littérature… (2005, p. 34)
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Milner J.-C. (1984). De l’école. Paris : Seuil.
Ministère de l’Éducation nationale. (1970). Recherches sur l'enseignement philosophique, Les journées de Sèvres, Inrdp, mars 1970.
Ministère de l’Éducation nationale. (1982). Colloque national des professeurs de philosophie dans les écoles normales. Mai 1981. Paris : Cndp.
Ministère de l’Éducation nationale. (1984). Philosophie école, même combat (Colloque philosophique de Sèvres, mars 1984). Paris : Puf.
Pena-Ruiz, H. (1991). Les faux-semblants du droit à la différence. in : Baudart, A. & Pena-Ruiz, H. (dir.). Les Préaux de la République. Paris : Minerve.
Notes
- [←1 ]
Séminaire de la Sofphied (Société francophone de philosophie de l’éducation) en date du 16 octobre 2024.
- [←2 ]
D’après sa fiche dans le site de données du scoutisme "Scoutopedia" https://fr.scoutwiki.org/Henri_Bouchet
- [←3 ]
D’après sa fiche dans le site de la Bnf : https://data.bnf.fr/fr/see_all_activities/10937704/page1
- [←4 ]
D’après Stéphan Soulié, site web Science-Po/Centre d’Histoire : https://archives.sciencespo.fr/ark:/46513/581928
- [←5 ]
L’ouvrage Nouvelle éducation et réforme de l’enseignement, de M.-A. Bloch, est très probablement le dernier livre publié, en 1978 dans la collection « Pédagogie d’aujourd’hui », sous la triple co-direction M.-A. Bloch, M. Debesse et G. Mialaret. C’est au même moment, le « 4ème trimestre - 1978 », qu’a lieu le dépôt légal de L’Illusion psychanalytique en éducation (de J.-P. Bigeault et G. Terrier), dans cette collection, sous la seule direction de G. Mialaret.
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Dans la publication (posthume) de cet ouvrage, le texte est précédé d’un court avant-propos, signé par le philosophe Alfred Fouillée (oncle de Jean-Marie Guyau) : « Nous publions le second des ouvrages posthumes de Guyau. Comme ses deux précédents livres, sur l’Irréligion de l’avenir et sur l’Art, ce travail est une "Étude sociologique ". On se souvient que Guyau considérait la sociologie comme étant par excellence la science de l’avenir, et comme destinée à renouveler la plupart des questions en les présentant sous un aspect tout différent du point de vue individuel ». Jean-Marie Guyau était aussi le fils d’Augustine Tuillerie, auteure du Tour de la France par deux enfants (sous le pseudonyme de G. Bruno).
- [←7 ]
D’autant, faut-il le rappeler, que l’enseignement de la philosophie était au programme de la formation des instituteurs en écoles normales, depuis 1881 sous l’impulsion de Ferdinand Buisson et Henri Marion.
- [←8 ]
Ipes : les « instituts de préparation aux enseignements de second degré », qui fournissaient un salaire et une préparation au métier d’enseigner, pendant trois ou quatre années, aux étudiants reçus au concours d’entrée, contre l’engagement à enseigner pendant dix ans. Ces instituts ont existé de 1957 à 1979.
- [←9 ]
L’Union nationale des étudiants de France, qui avait milité contre la guerre en Algérie.
- [←10 ]
Il fallut l’intervention simultanée de l’armée pro-américaine du Sud-Vietnam, de l’armée révolutionnaire du Sud et de celle du Nord–Vietnam pour mettre à l’abri cette communauté massivement « rapatriée » au Vietnam.
- [←11 ]
L’éphé : l’École Pratique des Hautes Études.
- [←12 ]
« Le Cresas, unité de recherche de l'Inrp qui étudiait « les conditions psychopédagogiques et les contextes institutionnels et sociaux favorisant les apprentissages de tous les élèves et les conditions qui permettent aux enseignants et éducateurs de s'engager dans la transformation en ce sens de leurs pratiques. » http://www.inrp.fr/politique/unite/cresas
- [←13 ]
D’après la préface signée du Groupe de travail des professeurs de philosophie en école normale, pour l’ouvrage Les crimes de la philosophie, Paris : éd. Recherches, 1983, p. 7.
- [←14 ]
Voir par exemple : Ministère de l’Éducation nationale, Colloque national des professeurs de philosophie dans les écoles normales. Paris : Cndp, 20-22 mai 1981, ou « Philosophie et formation des maîtres », in Philosophie, école, même combat (colloque philosophique de Sèvres, 6-8 mars 1984), Paris, Puf, 1984.
- [←15 ]
C’est d’abord un accord national interprofessionnel (en septembre 1970), qui est suivi d’une loi datée du 16 juillet 1971.
- [←16 ]
J’ai emprunté ce concept à l’anthropologue Roger Bastide.
- [←17 ]
Pour quelques-uns d'entre eux, militants de la Cgt ou de la Cfdt, j'ai été aussi - sur un mode atypique - "des leurs").
- [←18 ]
Au Cambodge, le Tonle Sap est un très grand cours d’eau dont le sens d’écoulement s’inverse deux fois par an. Dans le langage des géographes, en pleine saison des pluies, les « affluents » se font « défluents ».
Annuel de la recherche en philosophie de l’éducation ISSN 2779-5292